regards sur la villealbumsEugène Atgetpistes pédagogiques

Le Passage des Panoramas

Émile Zola
Nana, 1880.
"[…] un soir de décembre, le comte Muffat se promenait dans le passage des Panoramas. La soirée était très douce, une averse venait d’emplir le passage d’un flot de monde. Il y avait là une cohue, un défilé pénible et lent, resserré entre les boutiques. C’était sous les vitres blanchies de reflets, un violent éclairage, une coulée de clartés, des globes blancs, des lanternes rouges, des transparents bleus, des rampes de gaz, des montres et des éventails géants en traits de flammes, brûlants en l’air ; et le bariolage des étalages, l’or des bijoutiers, les cristaux des confiseurs, les soies claires des modistes, flambaient, derrière la pureté des glaces, dans le coup de lumière crue des réflecteurs ; tandis que, parmi la débandade peinturlurée des enseignes, un énorme gant de pourpre, au loin, semblait une main saignante, coupée et attachée par une manchette jaune.

[…Nana] adorait le passage des Panoramas. C’était une passion qui lui restait de sa jeunesse pour le clinquant de l’article de Paris, les bijoux faux, le zinc doré, le carton jouant le cuir. Quand elle passait, elle ne pouvait s’arracher des étalages, comme à l’époque où elle traînait ses savates de gamine, s’oubliant devant les sucreries d’un chocolatier, écoutant jouer de l’orgue dans une boutique voisine, prise surtout par le goût criard des bibelots à bon marché, des nécessaires dans des coquilles de noix, des hottes de chiffonnier pour les cure-dents, des colonnes Vendôme et des obélisques portant des thermomètres."