Travaux pendant la nuit à la lumière électrique
Percement de la Butte-des-Moulins. Le Journal illustré
G. Guiaud (1840-1893), dessinateur, 28 janvier 1877.
BnF, département des Estampes et de la Photographie, Va 232 a
© Bibliothèque nationale de France
Pendant que se développent les grands magasins et leur étalage de soieries et de tapis d’Orient, le Bonheur des Dames met en scène tous les exclus du progrès et, en premier lieu, la masse des ouvriers employés de jour comme de nuit sur les chantiers des grands travaux lancés par Haussmann.
"De l'enclos de planches longeant et embrassant les trois rues, sortait un branle d'activité fiévreuse. Bien que l'architecte se servît des constructions existantes, il les ouvrait de toutes parts, pour les aménager ; et, au milieu, dans la trouée des cours, il bâtissait une galerie centrale, vaste comme une église, qui devait déboucher par une porte d'honneur, sur la rue Neuve-Saint-Augustin, au centre de la façade. On avait eu d'abord de grandes difficultés à établir les sous-sols, car on était tombé sur des infiltrations d'égout et sur des terres rapportées, pleines d'ossements humains. Ensuite, le forage du puits avait violemment préoccupé les maisons voisines, un puits de cent mètres, dont le débit devait être de cinq cents litres à la minute. Maintenant, les murs s'élevaient au premier étage ; des échafauds, des tours de charpentes, enfermaient l'île entière ; sans arrêt, on entendait le grincement des treuils montant les pierres de taille, le déchargement brusque des planchers de fer, la clameur de ce peuple d'ouvriers, accompagnée du bruit des pioches et des marteaux. Mais, par-dessus tout, ce qui assourdissait les gens, c'était la trépidation des machines ; tout marchait à la vapeur, des sifflements aigus déchiraient l'air ; tandis que, au moindre coup de vent, un nuage de plâtre s'envolait et s'abattait sur les toitures environnantes, ainsi qu'une tombée de neige. […] Du reste la situation allait empirer encore. En septembre, l'architecte, craignant de ne pas être prêt, se décida à faire travailler la nuit. De puissantes lampes électriques furent établies, et le branle ne cessa plus : des équipes se succédaient, les marteaux n'arrêtaient pas, les machines sifflaient continuellement, la clameur toujours aussi haute semblait soulever et semer le plâtre."

Au Bonheur des dames, chapitre VIII
 
 

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