Au Bonheur des Dames
Manuscrit, deuxième volume
Émile Zola (1840-1902), auteur, 1881.
BnF, département des Manuscrits, NAF 10276, fol. 765
© Bibliothèque nationale de France
« Celui-ci s’était hâté de le mener dans son cabinet, où il le tranquillisa sur les suites possibles. Il lui assurait qu’il n’avait pas besoin d’intervenir, il expliquait de quelle façon les choses allaient certainement se passer, sans paraître lui-même s’émouvoir de ce vol, comme s’il l’avait prévu depuis longtemps. Mais Vallagnosc, lorsqu’il ne craignit plus une arrestation immédiate, n’accepta pas l’aventure avec cette belle tranquillité. Il s’était abandonné au fond d’un fauteuil, et maintenant qu’il pouvait raisonner, il se répandait en lamentations sur son propre compte. Était-ce possible? voilà qu’il était entré dans une famille de voleuses ! Un mariage stupide qu’il avait bâclé, afin d’être agréable au père ! Surpris de cette violence d’enfant maladif, Mouret le regardait pleurer, en se rappelant l’ancienne pose de son pessimisme. Ne lui avait-il pas entendu soutenir vingt fois le néant final de la vie, où il ne trouvait que le mal d’un peu drôle? Aussi, pour le distraire, s’amusa-t-il une minute à lui prêcher l’indifférence, sur un ton de plaisanterie amicale. Et, du coup, Vallagnosc se fâcha : il ne pouvait décidément rattraper sa philosophie compromise, toute son éducation bourgeoise repoussait en indignations vertueuses contre sa belle-mère. »
 
 

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