Au Bonheur des Dames
Manuscrit, deuxième volume
Émile Zola (1840-1902), auteur, 1881.
BnF, département des Manuscrits, NAF 10276, fol. 775
© Bibliothèque nationale de France
« Et, lentement, suant et soufflant, il venait du fond des magasins, à travers l’émotion grandissante des vendeurs. Les gants et la soie s’étaient offerts en riant pour le soulager, la draperie et les lainages souhaitaient un faux pas, qui aurait semé l’or aux quatre coins des rayons. Puis, il avait dû monter un escalier, s’engager sur un pont volant, monter encore, tourner dans les charpentes, où les regards du blanc, de la bonneterie, de la mercerie, le suivaient, bayant d’extase devant cette fortune voyageant en l’air. Au premier, les confections, la parfumerie, les dentelles, les châles, s’étaient rangés avec dévotion, comme sur le passage du bon Dieu. De proche en proche, le brouhaha s’élevait, devenait une clameur de peuple saluant le veau d’or.
Cependant, Mouret avait ouvert la porte. Lhomme parut, suivi des deux garçons qui chancelaient ; et, hors d’haleine, il eut encore la force de crier :
— Un million, deux cent quarante-sept francs, quatre-vingt-quinze centimes !
Enfin, c’était le million, le million ramassé en un jour, le chiffre dont Mouret avait longtemps rêvé ! »
 
 

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