Les jeux de la rue et du cabaret
Le Curieux Almanach pour l'an de grace 1678 [...] où l'on voit les agreables divertissemens du jeu, ou l'art de bien joüer.
Angelo Casaretta, auteur, Rouen : Ed.Laurens Machuël, 1677-1678.
In-8º
BnF, Arsenal, 8º S 13752 (7)
© Bibliothèque nationale de France
Les pratiques de jeu sont l'un des traits les plus visibles dans la rue : cet espace de vie, étudié par Francis Freundlich, est le lieu majeur de la sociabilité populaire dans une société préindustrielle, encore largement dominée par l’atelier corporatif, le monde de la boutique et les petits métiers du tertiaire (déchargeurs, colporteurs, commissionnaires, etc.) Dans un espace urbain en transition, peu marqué par les procédures disciplinaires de l’entreprise moderne, la séparation stricte entre le temps du divertissement et le temps de la production ne se dessine pas encore clairement. Les joueurs de dés et de "trois-cartes", les tenanciers des petites loteries ambulantes, envahissent le tissu urbain : sur les places où se tiennent à date fixe les foires et les marchés, on parie ; on se divertit près des remparts, dans les cours intérieures des immeubles, le long des faubourgs et à proximité des lieux de culte, dans les jardins et sur les terrains vagues. À Paris, en 1790-1791, les jeux de plein vent se déploient principalement sur les quais des Tuileries et du Louvre, sur la place de Grève, le long du boulevard du Temple et sur les Champs-Élysées : ce sont des voies de passage et de promenade qui facilitent le déploiement du matériel ludique (chaises, tables de bonneteau, caisses, objets divers servant de lots aux petites loteries ambulantes) et permettent une fuite rapide en cas d’intervention des forces de l’ordre. Acteurs du monde de la rue, mais protégés de la police par un espace clos, les cabaretiers, marchands de vin et limonadiers accueillent en toute illégalité les joueurs qui, par les paris qu’ils engagent, favorisent la consommation d’alcool et de nourriture. Les boutiquiers justifient ces divertissements en invoquant la lourdeur des loyers ou la concurrence qui fait baisser leur chiffre d’affaires. Ils installent un jeu de billard au fond de leur établissement et autorisent les joueurs à sortir leurs jeux de cartes.
On trouve dans cet almanach, illustrée de bois, la description du billard, des jeux de cartes, des quilles, des dames, du "pair et non", de la "mourre", du "cochonnet ou la boule" et du mail. Les échecs, la paume, les dez, les astragales et le trou-madame, bien qu'évoqués, ne sont pas illustrés. Les personnages bossus et de petite taille jouant aux dames ou aux dés s'inspirent des gobbi de Jacques Callot, cités explicitement ; il s'agit bien en effet d'imitations d'une partie des gravures de la suite appelée "Les beaux et bien adroits joueurs de toute sorte de jeux", gravée par Michel Van Lochom (1601-1647) d'après Callot.
 
 

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