Nomenclature de l'Océan et de la Méditerranée
 

Sur la mappemonde proprement dite, l'Océan, et les mers qu'il forme en pénétrant à l'intérieur des terres, sont indiqués par des traits ondulés figurant les flots. Une représentation uniforme ponctuée çà et là par des dénominations particulières.
   

 


 Mer Caspienne

 

Des noms de l'Océan


L'Océan est la "Vraie Mer", la source de l'eau originelle. Néanmoins, il peut prendre à certains endroits des dénominations particulières empruntées le plus souvent aux terres qui le bordent.
Ainsi, à l'est, il porte le nom d'Eous, océan Auroral ou Oriental. Plus loin, sous le septentrion, au moment où il pénètre la terre, aux "Seins de l'Aquilon", jusqu'en Arménie, il porte le nom de Caspium mare : c'est la mer Caspienne, considérée jusque-là comme un golfe de l'Océan septentrional, mais dont certains voyageurs ont fait le tour, montrant ainsi qu'il s'agit d'une mer fermée, comme la représente l'Atlas catalan.
En allant vers l'ouest, l'Océan prend, semble-t-il, au large de Lunebourg, entre la Norvège, encore considérée comme une île, et la côte de ce qui est actuellement la Baltique, le nom de [Mare germanic]um.


  Île de Taprobane dans
  l'océan Indien

Enfin, au sud est, sont indiqués : Azanicus (?), peut-être le golfe d'Aden, ou Arabicus (?), le golfe Arabique – abîmée, cette partie ne montre ni la mer Rouge ni le golfe Persique – et Indicus, l'océan Indien, entre le cap de Caligardamana, au sud-est de l'île de Taprobane, et le port de Cotunare, à proximité de l'île de Chrysé, l'île de l'or où, selon la légende, "les Arabes et les Égyptiens recueillent le poivre apporté par les populations indiennes".

En revanche le terme d' "atlantique" que porte traditionnellement l'Océan à proximité des côtes de l'Afrique – du nom du mont Atlas – n'apparaît pas.

 


 Détroit de Gadès


 Pont-Euxin
 et mer Cimmérienne

Divers noms de la Méditerranée


La Méditerranée, la "Nôtre", "Notre Mer", par opposition à la grande mer du milieu de la Terre, porte des noms différents selon les terres qu'elle borde.
Les eaux de l'Océan dont elle est issue pénètrent à l'intérieur des terres par un détroit – Strictum mare – entre l'Europe et l'Afrique. Ailleurs, ce détroit porte le nom de Gadès, souvent bordé par les Colonnes d'Hercule. Ensuite, la mer prend de multiples noms. D'abord Balearicum mare, à proximité de l'archipel des Baléares, elle devient la mer Tyrrhénienne (Thyrrenum), puis Ligustique (Ligusticum) autour de Gênes, et Libyque (Libycum) face à la côte d'Afrique. En avançant vers l'est, au nord de la Sardaigne, elle adopte le nom d'Inferum, mer Inférieure. Mer de Crète (Cretum) à proximité de l'île, elle est Carpathium mare, ou mer d'Égypte, au large de Carpathos, et Asiaticum à l'approche de l'Asie Mineure. La Phenicium mare longe les côtes de la Palestine et de la Phénicie, puis c'est la mer Égée (Egeum mare) au milieu des Cyclades, curieusement placée ici face à Constantinople. Enfin, en se dirigeant vers le nord, elle porte le nom de Pont-Euxin (Euxinus Pontus) : c'est la mer Noire, resserrée entre les détroits plus ou moins bien représentés du Bosphore, figuré comme une île (Bosphorum insula) et du Bras de Saint-Georges (Bracchium Sancti-Georgii).

Le Pont-Euxin s'achève vers l'est par un grand lac, Lacus Cimericus, la mer Cimmérienne des géographes grecs. Pour le géographe latin Strabon, la mer Noire est divisée en deux parties rarement confondues : la partie occidentale, ou Pont-Euxin, et la partie orientale, la mer Cimmérienne, à proximité du territoire des Amazones. Enfin, les marais Méotides (Meotides), notre mer d'Azov, permettent la communication avec la mer Caspienne et l'océan Septentrional par le fleuve Tanaïs (le Don).

Le terme de "Méditerranée" ou de "Grande Mer" n'apparaît qu'une seule fois, de façon récapitulative, au centre.

 

Dans les mers


Sur la mappemonde, ni les mers ni l'Océan ne sont vides. A-t-on voulu éradiquer la peur d'une étendue inquiétante, parce qu'inconnue, en multipliant les traces animales et surtout humaines à l'intérieur de cet espace réputé dangereux ?
Dans les parties nord et est sont figurés – comme sur les mappemondes du Commentaire de l'Apocalypse de Beatus – un certain nombre d'animaux, poissons et monstres marins.


 Monstre marin
Au nord-est, une sorte de poisson géant s'apprête à avaler un cervidé. Il s'agit sans doute de l'un de ces "serpents géants" qui vivent au voisinage de l'Inde, décrits par Solin, Isidore de Séville et encore Honorius Augustodunensis au XIIe siècle : "Il y a là des serpents si grands qu'ils dévorent les cerfs et sont même capables de traverser l'Océan." Tandis que sur la rive un petit personnage brandissant un poisson à chaque main figure peut-être les Ichtyophages qui se nourrissent de poissons crus et se désaltèrent d'eau salée (Honorius, Imago mundi, I, 10).
Ailleurs, au nord-est comme au sud-est, d'autres poissons, en apparence plus inoffensifs, bien que de taille disproportionnée, nagent en sens contraire du courant, peut-être pour indiquer les remous et les tumultes des flots.
   


 Archipel des Orcades et
 île de Gadaronte

Mis à part ces poissons, il est signalé ailleurs, à proximité des îles de Gadaronte, face à cette terre gagnée sur l'eau appelée "Hollande", qu'il existe dans ces parages des sirènes. Les sirènes ailées d'Homère sont devenues, le plus souvent, au Moyen Âge, des femmes à queue de poisson.

Enfin, sur les rivages de l'océan Indien, vivent, dit-on, des tortues de taille si considérable que, avec leur carapace, les hommes peuvent se faire de spacieuses habitations.