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Éthiopie

Le Livre des merveilles du monde ou Les Secrets de l'Histoire naturelle. Cognac, Robinet Testard, vers 1480-1485. Manuscrit sur parchemin (95 ff., 30,5 x 21 cm).
BNF, Manuscrits (Fr. 22971 f° 20)
Ethyopie est une région qui est situee vers la partie de mydi. Aux marges méridionales du monde l'Éthiopie apparaît ici, comme sur les mappemondes, comme un réservoir de "merveilles" :
où il y a moult grant multitude de bestes venimeuses comme serpens, basiliques, grans dragons et aspics et si y a des licornes et de toutes autres bestes cruelles a si grande abondance qu'il semble que ce soient fourmis qui sortent d'une fourmilière, tant y en a. Un dragon aux ailes rouges, signe récurrent, sur les images, de la sauvagerie et de la monstruosité, au premier comme à l'arrière plan, ouvre et ferme l'illustration qu'il emprisonne dans sa signification. Avec, lui faisant face, un serpent à tête humaine semblable à ces reptiles qui figurent souvent dans les scènes de la tentation, donnant ainsi à la représentation une aura diabolique encore renforcée par la couleur noire de la tête du monstre.
Á l'arrière une licorne que les Bestiaires appellent aussi rinoceron ou monoceron, "un animal très cruel qui possède au milieu du front une corne de quatre pieds de long, si forte et si pointue qu'elle perce tout ce qu'elle frappe." (Barthélemy l'Anglais, XVIII, 88). Elle est avec le dragon, l'ennemie de l'éléphant. Celui-ci en effet "a le ventre moue et le dos dur. C'est pourquoi lorsqu'il se bat avec une licorne, il lui tourne toujours le dos." (Barthélemy l'Anglais, XVIII, 42). L'éléphant qui "possède de grandes oreilles fines et larges, qu'il peut déployer quand il le veut . Il en frappe violemment le dragon quand il se bat avec. Le dragon déteste l'éléphant ; il en boit le sang et il l'attaque quand il vient de boire et qu'il est plein d'eau." (Id.).
Ainsi ces animaux loin d'être simplement juxtaposés, reflètent de par leur inimitié intrinsèque, bien connue par les Bestiaires, l'état de violence latent qui caractérise ces régions en marge du monde.
Quant aux hommes qui vivent dans ces parages, leur aspect autant que leur comportement expriment la même "sauvagerie". Au premier plan, une sorte de géant hirsute, ophiophage, ou du moins vivant en commensalité avec les reptiles, peut-être un de ces Psylles évoqué sur l'image de l'Afrique (fol. 1). À l'arrière, de l'autre côté du fleuve, sans doute le Nil où se désaltère un crocodile (fol. 15v°), des hommes sans tête, des Acéphales, dont les yeux, les narines et la bouche sont sur la poitrine, que l'on appelle aussi Blemmiens, Blemnyes, Blènes, dont la nudité et la massue que tient l'un d'entre eux renforce encore l'image de brutalité et de "sauvagerie" conjointe à celle de monstruosité.