|
Bestiaires enluminés À l'origine des bestiaires, on trouve le Physiologus :
un texte d'origine grecque sans doute composé à Alexandrie,
qui décrit au départ en 48 ou 49 chapitres les animaux,
les oiseaux et les pierres à des fins essentiellement morales ou
apologétiques. Traduit très tôt en latin, illustré,
complété d'abord par des extraits du livre XII d'Isidore
de Séville, puis de Solin, d'Ambroise et même, plus tardivement,
de Barthélemy
l'Anglais, enrichi parfois de l'Aviarium de Hugues de Fouilloy,
le texte allait s'étoffer et se transformer pour constituer la
matière des bestiaires. Un genre singulier dont les textes se multiplient
à partir du XIIe siècle en Flandre,
en France du Nord et surtout en Angleterre, lié à l'intérêt
des milieux laïcs cultivés pour l' "histoire naturelle" :
le premier bestiaire en français écrit par Philippe de Thaon
est dédié à la reine Adèle, l'épouse
de Henri Ier, et une copie plus tardive en est
réalisée pour Aliénor d'Aquitaine, l'épouse
de Henri II. Une curiosité partagée avec les clercs :
en 1187, un certain Philippe Apostolorum, chanoine de Lincoln, fait don
au prieuré de Worksop de ses livres, d'une mappemonde et d'un bestiaire,
aujourd'hui conservé à New York. |
|
Encyclopédies médiévales Si le terme "encyclopédie" est un néologisme
au Moyen Âge, puisque sa première occurrence, à partir
du grec egkuklios paideia, "l'enseignement en cercle", n'apparaît
qu'au XVIe siècle, en revanche la notion
est bien présente. Ce qu'il conviendrait peut-être de nommer
une "Somme brève", que les contemporains nomment "Miroir",
Speculum, comme le Speculum
maius, le "Grand Miroir" du dominicain Vincent
de Beauvais (c. 1250) ; ou encore Traité de la nature
ou des propriétés des choses, comme le Liber de natura
rerum de Thomas de Cantimpré (c. 1240), ou le De naturis
rerum d'Alexandre Neckam à la fin du XIIe
siècle, et le De proprietatibus rerum du franciscain
Barthélemy l'Anglais vers 1240. Tous ces ouvrages, pour ne
citer que les plus célèbres, répondent à des
exigences et des usages proches de ceux de la mappemonde qui leur est
contemporaine. Écrits au départ en latin, comme le sont
les légendes de la mappemonde, ces ouvrages se veulent d'abord
des compilations à partir d'autorités plus ou moins anciennes
mais reconnues. Mais un compilateur, tel que le définit Isidore,
est beaucoup plus qu'un simple polygraphe : |
Il est l'alchimiste, celui qui opère la métamorphose des
connaissances éparses, l'artiste qui ordonne un savoir éparpillé
en un tout cohérent, celui qui, à l'instar de Lambert de Saint-Omer
au XIIe siècle dans le Liber floridus,
recueille en un bouquet les plus belles fleurs du savoir, ou comme Brunetto
Latini fait son miel du suc des divers fleurs : Et si ne di je pas que le livre soit estrais de mon povre sens ne de ma nue science ; mais il ert ausi comme une bresche de miel coillie de diverses flours, car cist livres est compilés seulement des mervilleus dis des autours ki devant nostre tant ont traitié de philosophie, cascuns seloc çou k'il en savoit partie. Li livres dou tresor, I, 1, 5 Compilation certes, mais compilation ordonnée. Le recueil prend ici la forme du monde, la mappemonde, suivant l'ordre des lieux, les trois parties du monde, et la succession des temps, qui ailleurs s'organise en chapitres, en livres, et respectent à leur tour, soit, comme pour Barthélemy l'Anglais, la "hiérarchie de l'univers" : Étant donné que les propriétés des choses découlent de leur substance, c'est selon l'ordre et la distinction des substances que seront organisés l'ordre et la distinction des propriétés des choses, à partir desquelles cette œuvre, avec l'aide de Dieu, a été compilée. Barthélemy l'Anglais, trad. Jean Corbéchon, prologue Soit, pour Brunetto Latini, que l'ouvrage suive la division stoïcienne de la philosophie en théorique, pratique et logique. Une somme qui se veut utile, pratique, qui entend transmettre de façon claire un savoir : Une telle œuvre m'est utile et, peut-être également aux autres, à ceux qui n'ont pas connaissance des propriétés des choses figurant dans les livres des saints et des philosophes ; les dites propriétés permettent de comprendre ce qui est obscur dans les Saintes Écritures... Barthélemy l'Anglais, prologue Un savoir qui lui-même permettra d'atteindre "à une connaissance plus haute" : Aussi est-il impossible que notre entendement puisse s'élever à la contemplation des hiérarchies immatérielles s'il n'est guidé, comme par la main, au moyen de choses matérielles. (Ibid.) Issus d'un même milieu intellectuel, produits des écoles urbaines, des universités de France du Nord, en particulier celle de Paris ou des studia des nouveaux ordres destinés à la prédication, ces ouvrages participent à cet effort d'explication, à ce souci d'élucidation, de mise en ordre du savoir qui anime l'auteur de la mappemonde. Une analogie qui, au-delà de la simple déclaration de principe, se retrouve dans la structure même des œuvres. D'un côté des textes à lire, des "légendes" bientôt enluminées et dans lesquelles peuvent s'insérer des mappemondes, textes ou images. De l'autre une mappemonde, elle-même insérée dans un texte dans laquelle viennent s'inscrire non seulement des images mais des légendes, des textes, de plus en plus denses. |