De la géométrie du monde
  La "forme de la terre", la "forme du monde", relève de la géométrie. La Terre tout entière est une sphère, ce dont nul ne doute au Moyen Âge, dans les milieux cultivés au sens large. Les auteurs de textes en langues vernaculaires le démontrent dès le XIIIe siècle, comme Brunetto Latini dans Li Livres dou tresor, ou Gossuin de Metz dans l'Image du monde.
   

La forme du monde


Dans la sphère du monde, du cosmos, le globe terrestre ne représente qu'un point, le point central, à la fois au centre et au lieu le plus bas de l'univers.

Quant à la terre habitée, elle n'occupe sur l'ensemble de la sphère terrestre qu'à peine un quart de l'espace. Le plus souvent, elle est représentée par un orbe, un cercle, un O, par commodité ou par souci de perfection. Comme l'indiquait déjà Macrobe dans le Commentaire du Songe de Scipion, sa forme véritable est celle d'une chlamyde, plus étendue d'est en ouest que du nord au sud. C'est ainsi que la représentent, aux XIIeet XIIIe siècles, certaines mappemondes du Liber floridus ou, au XIVe siècle, celles qui accompagnent le Polychronicon du moine anglais Ranulph Higden. Cette terre habitée peut également être figurée sous les traits d'un carré évoquant les quatre points cardinaux, comme sur un certain nombre de schémas courants dans les manuscrits des Étymologies d'Isidore de Séville.

 

La mesure du monde


Les dimensions de cette terre habitée sont depuis longtemps relevées. Depuis l'expérience d'Ératosthène, chacun sait que la circonférence de la Terre est de 252 000 stades, ou encore 180 000 selon Ptolémée. Chacun se plaît à rapporter ces mesures, voire à les concilier. Plus encore, certains auteurs vont jusqu'à préciser l'étendue, non seulement de la terre habitée, mais celle de chacune des trois parties du monde. Ainsi Dicuil, un Irlandais qui vivait à la cour de Louis le Pieux, dans son Liber de mensura orbis terrae, rédigé en 825, rapporte :

Cette partie de la terre dont je parle et qui est nôtre, qui semble flotter sur le grand Océan qui l'entoure, a été évaluée, dans sa plus grande longueur, d'est en ouest, c'est-à-dire depuis l'Inde jusqu'aux Colonnes consacrées à Hercule à Gadès, à 6 630 milles, comme le rapporte Artémidore. Le même auteur qui, peu après, évalue la largeur de la Terre du sud au nord à un peu moins de la moitié, c'est-à-dire 3 348 milles.

Selon La Cosmographia de Julius Honorius, datée du IVe ou du début du Ve siècle après J.-C., et d'après un texte anonyme du Pseudo-Aethicus, un peu plus tardif, ces mesures auraient été calculées par de savants géomètres envoyés par Jules César à partir de 44 av. J.- C. dans les quatre directions cardinales : Nicodèmos ou Nicodoxus en orient, Didymos en occident, Theudotos ou Theodotos vers le nord et Polyclitus au midi. Prendre ainsi la mesure du monde est une opération hardie qui se serait étendue entre 44 av. J.-C. et 1er ou 10 après.

Ce récit est repris au Moyen Âge, avec différents aménagements, notamment sur la mappemonde d'Ebstorf :

Une mappemonde est la "forme du monde", telle que Jules César, le premier, en fit prendre la mesure par des émissaires envoyés à travers toute la terre.

Les émissaires sont représentés sur la mappemonde de Hereford.