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Le jeu d'échecs nous est aujourd'hui familier. Mais son histoire
remonte à plus de 1 500 ans. Jeu de guerre dans un continent
indien déchiré par les luttes intestines, jeu de cour dans
l'Occident médiéval, jeu "moralisé" mettant en scène
la place des différents métiers à la fin du Moyen
Âge, jeu "amoureux" suivant les méandres de l'amour courtois,
jeu de compétition à l'aube des Temps modernes. L'évolution
du jeu d'échecs, de ses pièces et de ses règles,
témoigne des cultures qui l'ont adopté. La civilisation
islamique fixe le jeu et en assure la diffusion, le Moyen Âge chrétien
transforme les pièces et leur confère une dimension symbolique,
la Renaissance modifie les règles et en accélère
la marche ; avec les Temps modernes s'ouvre l'ère de la compétition.
À toutes les époques, l'échiquier apparaît
comme le théâtre du monde et nous éclaire sur ses
valeurs sociales. |
Dès
l'arrivée du jeu en Occident, de nombreuses légendes
ont circulé, élevant le "roi des jeux" au rang de mythe :
Achille, Ulysse, le roi Salomon, Alexandre le Grand, le roi Evilmodorach
de Babylone, le roi Arthur. Dans l'imaginaire médiéval, les
échecs s'imposent comme le "jeu des rois", avant d'être la
distraction favorite de Philippe II d'Espagne, Charles V ou Napoléon.
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Une de ces légendes voulait que les prestigieuses
pièces d'échecs conservées au trésor de Saint-Denis
aient été offertes par le calife de Bagdad, Haroun Al-Rachid,
au demeurant grand amateur d'échecs, à Charlemagne pour son
couronnement. Mais l'Empereur, qui régnait autour de 800, n'a pas
connu ce jeu, introduit en Occident deux siècles plus tard. En réalité,
ces pièces ont été taillées en Italie méridionale,
vraisemblablement à Salerne, à la fin du XIe
siècle. Les
échecs "de Charlemagne" comptent parmi les plus beaux objets
en ivoire du Moyen Âge. L'exploration
de six pièces permet d'en observer les détails. Associer ainsi le jeu au souvenir du grand empereur, c'est dire le prestige dont jouissent les échecs, à la fois roi des jeux et jeu des rois. C'est dire aussi leur valeur symbolique que les artistes sauront s'approprier. Dès le Moyen Âge, les échecs entrent ainsi en littérature. Les romans de chevalerie mettent en scène de nombreuses parties d'échecs. Mais ce sont les auteurs modernes, comme Carroll, Zweig, Nabokov ou Perec, qui offrent aux échecs leurs véritables "lettres de noblesse". |