Avec Espèces d’espaces (1973), Georges Perec nous lègue un fabuleux laboratoire pour appréhender, via la chambre, l’appartement, l’escalier, la rue, le quartier, et cela jusqu’à la notion de frontières, les pistes de récit et d’écriture qu’offre la ville, et qui sont restées jusqu’à nous inexplorées.
Pour chacune des pistes explorées, on pourrait trouver dans son œuvre une résonance : aucun de nous pour être indemne de cette œuvre. Nous souhaitons ainsi lui dédier l’atelier « écrire la ville ».
Merci à Paulette Perec, qui a été sa compagne, d’avoir bien voulu évoquer son travail.
À chacune de ses étapes, la ville a bousculé beaucoup plus que les modèles d’architecture, ou de relation entre les hommes, elle déplace la façon dont nous occupons la terre, construisons nos relations de monde à monde.
Aujourd’hui, la ville est uniforme : on retrouve des signes communs tout autour du monde, et on retrouve dès la plus petite ville ce qui fait les caractéristiques de toutes.
Alors, ce qu’on interroge, c’est nous-mêmes, et le langage qui nous soude.
Mais justement, la ville est le lieu des oppositions, des fractures, des changements. Elle est mouvement, elle est visages.
Dès lors que nous appelons la langue, nous convoquons ce réel qui a nom ville. Et la langue doit apprendre à nommer ce qui résiste, ce qui s’invente, comme elle porte ce dont on hérite, et ce qu’on souhaite – au plus haut – transmettre, et qui a nom poème, qui a nom récit.
Mais cette réalité profuse, complexe, mouvante a visage spécifique pour chacun, selon la place de la ville, et selon notre place dans la ville.
Écrire la ville, c’est se mettre à l’écoute de toutes ces langues, mais aussi les faire surgir.
À nous alors de confronter, démultiplier.
Nous allons proposer quatre séries de propositions d’écriture. Chacune de ces propositions explorera une façon distincte de se saisir de la ville, les mouvements, les images, les visages.
Elles seront de complexité croissante, parce que ce qui nous rassemble est aussi complexe, aussi mouvant. Lorsqu’on écrit, on ne sépare plus ces éléments, qu’ici on va explorer séparément. Mais on sera mieux armé, pour qu’ils interviennent ensemble dans l’écriture.
Nous souhaitons que chacune de ces propositions soit une exploration doublement ouverte. En amont, ce que les trésors de la Bibliothèque nationale nous permettent d’y associer, archives, photographies, affiches, manuscrits, et puis l’atelier contemporain des écrivains : les textes que nous utilisons pour écrire, la voix et le visage de ceux qui travaillent aujourd’hui l’écriture. En aval, espace librement ouvert pour accueillir les textes qui en résultent, et qu’on puisse se parler d’expérience à expérience, savoir comment chacun appréhende sa ville, et comment cela questionne notre propre rapport à ce qui nous entoure.
Le premier des quatre « univers » de propositions s’intitule « approches ». Il s’agit d’inventorier, d’accumuler du matériau, de s’approprier la langue, d’apprivoiser l’atelier d’écriture. Le second univers s’intitule « mouvements » : trajets, temps, images, approche du dialogue. Le troisième univers, « signes », voudrait décrypter de plus près la façon dont la ville change la langue. Enfin, un dernier univers de cinq propositions, « perspectives », pour faire peser l’écriture sur le présent, mieux en savoir les symboles, et ce qui nous relie encore au rêve, à l’utopie.
Bienvenue donc dans « écrire la ville », à votre rythme, selon vos parcours, et parce que découvrir, à cet endroit, croise toutes les urgences, tous les possibles.