Un destin fabuleux
Le port phénicien de Byblos, grand carrefour commercial depuis le IV
e millénaire av. J.-C., est relayé, après la fin du III
e millénaire, par la ville de Tyr : c’est de là qu’est diffusé l’alphabet phénicien.
Les marchands, marins et caravaniers, contribuent à faire connaître au loin cette technique révolutionnaire. L’écriture phénicienne a donné naissance :
- à l’alphabet grec, qui est lui-même à l’origine de l’alphabet cyrillique utilisé en Europe orientale et dans toute l’Asie russe et, par l’étrusque, de l’alphabet latin, porté par les Européens de l’Ouest dans le monde entier,
- à l’alphabet araméen, qui est lui-même la source de l’alphabet hébreu, dit "carré", de l’alphabet arabe et des écritures de l’Inde.
L’invention des sémites du Levant a connu un destin fabuleux sur toute la planète.
Une révolution décisive
Dans l’histoire de l’écriture, l’alphabet représente une véritable révolution, car c’est un système totalement et uniquement phonétique (un signe = un son).
Les Mésopotamiens, comme les Égyptiens, utilisaient eux aussi des signes phonétiques, mais en appoint de leur système idéographique et ils ajoutaient encore d’autres signes complémentaires pour préciser la signification. En outre, chez les Égyptiens, un signe pouvait noter des combinaisons de plusieurs consonnes.
Le système alphabétique, avec sa trentaine de signes abstraits, codifiés, permet théoriquement de noter n’importe quelle langue. Sa maîtrise requiert un apprentissage facile et rapide, qui n’a aucune commune mesure, par exemple, avec celui de l’écriture chinoise et de ses 50 000 signes. On peut y voir le début d’un processus de démocratisation et un facteur de dynamisme social, en effet "on ne trouve pas dans les sociétés utilisant l’écriture alphabétique l’équivalent des scribes égyptiens ou des mandarins chinois, avec les pesanteurs et l’inertie que ces groupes ont souvent perpétuées." (Françoise Briquel-Chatonnet)
Mais c’est aussi, peut-être, toute une part de la magie poétique de l’écriture – magie du signe, poésie dans les associations de signes-images – qui disparaît.
Pour réciter son alphabet, on disait :
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bœuf (’aleph = /’/) |
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aiguillon (lamed = /l/) |
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maison (beth = /b/) |
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eau (mem = /m/) |
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chameau (gimel = /g/) |
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poisson (nun = /n/) |
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porte (daleth = /d/) |
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poisson (sâmekh = /s/) |
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[hê = /h/] |
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œil (‘ain = /‘/) |
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clou (waw = /w/) |
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bouche (pe = /p/) |
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arme (zain = /z/) |
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[san = /s/] |
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[heth = /h/] |
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[qoppa = /q/] |
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[thet = /t/] |
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tête (resh = /r/) |
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bras (yodh = /j/) |
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dent (sin = /s/) |
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paume (kaph = /k/) |
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croix (tau = /t/) |
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Le mot alphabet vient des lettres aleph et beit, qui deviendront
alpha et
bêta.