Découvrir, comprendre, créer, partager

Focus

Scribes et calligraphie dans la tradition indienne

Le cloisonnement de la société indienne en castes favorisait la spécialisation du travail intellectuel et sa transmission héréditaire. Il explique en partie la constance et la fécondité de la production intellectuelle alors même que des bouleversements politiques et économiques secouaient périodiquement cette société. Aussi, malgré la méfiance traditionnelle des clercs à l’égard de l’écrit, on possède aujourd’hui une masse étonnante de manuscrits indiens, patrimoine en grande partie non publié : textes de toutes sortes, religieux, littéraires, techniques, tracés sur papier, tissu, feuilles de palmier, écorce de bouleau. De nombreuses inscriptions, gravées dans la pierre (rocs, piliers, murs d’édifices religieux ou civils) ou sur des plaques de métal, solennisent décrets, contrats, chartes de fondation ou de donation. La monnaie est un autre support d’écriture de date ancienne.

Les étudiants et les savants copiaient eux-mêmes les textes dont ils avaient besoin. Mais l’Inde connaissait aussi les scribes professionnels qui écrivaient les documents officiels. Les monarques engageaient les plus habiles. La caste des kâyastha regroupait des copistes que les occupants moghols puis les Britanniques employèrent dans leur administration. Les graveurs reproduisaient sur pierre, plus ou moins fidèlement, les textes que leur donnaient les copistes. Les plus brillants signaient leurs inscriptions et n’hésitaient pas à y vanter leur propre dextérité.

Bhagavatapurana
Bhagavatapurana |

© Bibliothèque nationale de France

La notation séparée des unités syllabiques étant une caractéristique des écritures d’origine indienne, la cursive proprement dite, tracée avec rapidité sans lever la main, n’apparaît guère que dans des documents comptables ou administratifs. Plus fréquentes sont les écritures de main courante, telles la sarafî et la mahâjani en usage chez marchands et banquiers, où les vocalisations sont souvent omises.

L’Inde n’a pas ignoré l’esthétique de l’écriture. Épigraphie et manuscrits montrent des calligrammes où les caractères des poèmes, sanscrits ou télougous, s’inscrivent dans des dessins géométriques ou figuratifs, telles des représentations de serpents, d’épées, de chars. Le génie du copiste ou du graveur se mesurait à son habileté dans le dessin des lettres dites « à torsades », kuila. Les caractères des inscriptions sont parfois ornés de dessins de feuillages et d’autres formés à la ressemblance d’animaux et d’oiseaux. Difficiles à déchiffrer, ceux dits « en coquillage » se répandirent jusqu’à Java (5e siècle ? ). Dans les manuscrits, l’écriture est plus ou moins soignée. La calligraphie est plus fréquente dans le bouddhisme, pour lequel copier un texte est un acte pieux, conception présente mais moins importante dans l’hindouisme. Le bouddhisme, quoique originaire de l’Inde, en a presque disparu : ses manuscrits calligraphiés de type indien proviennent surtout des confins et de l’extérieur du sous-continent, en particulier des régions himalayennes, de Ceylan et de l’Indonésie.