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Les cryptogrammes évoluent : Chiffres, pixels, logiciels

Utopia de Thomas More
Utopia de Thomas More
Le format de l'image est incompatible
Comme le langage, construction humaine en constante évolution, l’écriture s’invente sans cesse de nouveaux systèmes ; les codages connaissent des développements fabuleux, parallèles à ceux des modes de transmission.

Le « chiffrement » des mots ou des caractères s’est imposé au cours de l’histoire pour deux raisons majeures : soit cacher un message, soit compacter l’information pour la transmettre. Combinaisons de symboles, codages et cryptages sont devenus une science dure, fondée sur la théorie algorithmique des nombres.

Coder une écriture, c’est donner aux mots ou aux caractères de cette écriture des équivalents symboliques pour obtenir un « cryptogramme ». Déchiffrer, c’est faire de la « cryptanalyse ».

Plusieurs moyens permettent d’y parvenir : tout d’abord, la « stéganographie » dissimule l’existence même de l’écriture en enrobant le caché dans l’évident ; c’est l’art de faire transiter un message sans même que l’on soupçonne qu’il en est un : par exemple, dans un tableau, des brins d’herbe alternativement longs et courts peuvent transcrire un texte en morse sans que personne s’en doute, sauf le destinataire averti.

On peut aussi, grâce aux nouvelles technologies, arriver à coder les pixels d’une image sur un ordinateur : lors d’une numérisation, il se produit invariablement, lors du passage de l’original à la copie constituée de milliers de points (pixels), de petits défauts totalement imprévisibles ; il s’agit alors pour le cryptographe de remplacer ces inévitables « bruits » par d’autres points constituant le message codé, dont la disposition semblera aléatoire à toute personne non prévenue.

Un autre moyen très utilisé est le chiffrement, qui fait subir à un texte clair des transformations pour obtenir un texte chiffré, selon deux principes fondamentaux, la transposition et la substitution ; ces codages peuvent être à une ou plusieurs clés, à clé publique ou à clé privée ; la clé est dite symétrique si la même est utilisée pour encrypter et décrypter l’information, et asymétrique dans le cas contraire.

Pour la législation, le chiffrement est « un processus de transcription d’une information intelligible en une information inintelligible par l’application de conventions secrètes dont l’effet est réversible ». Le plus célèbre des procédés de cryptage récents à clé publique, devenu un standard, bien que plus ou moins interdit, est le logiciel inventé par l’Américain Phil Zimmermann (PGPi, Pretty Good Privacy) qui permet de chiffrer des documents sur un ordinateur pour les stocker ou les transmettre sous cette forme codée. Le plus sophistiqué est sans doute le codage à base de fréquences d’ondes lumineuses.

Les hommes qui n’ont pas manqué, dès l’Antiquité, de s’interroger sur l’histoire de l’écriture, se sont aussi intéressés à l’histoire du chiffrement. Dans cette lignée, le Traicté des chiffres ou secrètes manieres d’escrire, dû à Blaise de Vigenère, paru en 1586, propose de parcourir « ce qui se presentera à propos de ces beaux & cachez mysteres, adombrez sous l’escorce de l’escriture » ; une cinquantaine d’alphabets, dont des alphabets secrets. L’auteur, en quête d’un langage et d’une écriture universels, représente, avant Leibniz, une étape importante.

Provenance

Cet article provient du site L’aventure des écritures (2002).

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