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L’écriture, un code graphique

Manuscrit de la Grammaire égyptienne
Manuscrit de la Grammaire égyptienne

© Bibliothèque nationale de France

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Nombreux sont les systèmes de signes inventés par les civilisations pour transmettre ou fixer des messages : systèmes gestuels (danse, mime), sonores, visuels ou graphiques. L’écriture n’est donc qu’un système de signes parmi d’autres, un des plus récents peut-être. Dessin parlant ou parole dessinée, l’écriture utilise pour noter le langage parlé un code graphique qui fait l’objet d’une convention partagée.

D’où vient le code ?

Cadmos apportant l’alphabet aux Grecs
Cadmos apportant l’alphabet aux Grecs |

Bibliothèque nationale de France

Toute écriture est fondée sur un code qui permet à un groupe de communiquer sur la base de conventions communes. Dans de nombreuses mythologies, l’écriture est un don des dieux ou un vol fait aux Immortels, le code vient d’ « en haut ». Dans la tradition grecque où l’écriture est attribuée à Hermès, le plus humain de tous les dieux, elle semble plutôt considérée comme un fruit de l’ingéniosité humaine : le code vient d’ « en bas », des sociétés elles-mêmes.
Parfois aussi, l’écriture vient d’ « ailleurs » ; nombreux sont les peuples qui ont emprunté un système d’écriture déjà existant pour transcrire leur langue.

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© BnF - Éditions multimédias

Les écritures, codes partagés ou perdus

Qui a le code ?

La compréhension d’une écriture n’est jamais immédiate mais toujours différée. La connaissance du « code » est une nécessité pour passer du visible au lisible. Sans cette clé, l’écriture demeure inaccessible, pur algorithme graphique, indéchiffrable message.
Toute écriture est un secret, elle ne livre son sens qu’à celui qui en entreprend l’apprentissage.

Scène d’école
Scène d’école |

© Bibliothèque nationale de France

Livre des costumes
Livre des costumes |

© Bibliothèque nationale de France

Au cours de son histoire, l’écriture a longtemps été l’apanage d’une infime minorité de lettrés, sa connaissance un privilège insigne qui conférait au scribe une puissance singulière. En Égypte, le scribe jouissait d’un statut envié qu’il revendiquait avec fierté : « Sois scribe pour que tes membres soient lisses et que tes mains deviennent douces, pour que, vêtu de blanc, tu puisses sortir magnifié et que les courtisans te saluent... »

Dans l’Occident médiéval, le scribe se représente à la fois souffrant et glorieux, douloureux mais participant aux activités du monde surnaturel. Les innombrables peintures d’évangélistes écrivant, qui ornent les bibles médiévales, sont pleinement représentatives de cette sainteté du scribe.

Mais aujourd’hui, de plus en plus d’adultes, de plus en plus d’enfants sont initiés aux secrets d’au moins un des systèmes d’écriture existant dans le monde, même si un adulte sur cinq reste analphabète.

Le code brouillé

Quand l’écriture veut garder secrets les textes qu’elle transcrit, il arrive que le code soit délibérément brouillé, par exemple quand le message est destiné aux dieux ou aux esprits. Pour des raisons militaires, diplomatiques, religieuses ou simplement ludiques, le code peut être réservé à quelques initiés, voire parfois à son seul émetteur. L’écriture, si elle s’appuie sur un système idéographique, altère alors ses graphies, les abrège ou les compacte jusqu’à les rendre méconnaissables. Elle se cache derrière l’image, se dissimule sous l’effet de la vitesse ou de l’interdit.

Lingot d’or Keicho oban
Lingot d’or Keicho oban |

© Bibliothèque nationale de France

Dans les systèmes alphabétiques, le « codage » opère volontiers en jouant avec l’ordre, ou plutôt le désordre des lettres, n’utilisant parfois que la première lettre de chaque mot pour construire un message secret ou enfouir un second texte dans l’épaisseur du premier. Brouillages, abréviations, lettres parasites ou chiffrement, innombrables sont les moyens empruntés par l’écriture pour cacher ses messages dans le tissu du texte même.

Le texte, potentiellement lisible, peut être délibérément réduit, rendu presque invisible. Comme dans l’écriture micrographique le texte peut être enfoui, caché et se voir assigner d’autres valeurs : d’offrande, de talisman, d’énigme ou de jeu, exaltant la beauté du geste, le plaisir de la performance ou la profondeur d’un sens caché.

Disque de Phaïstos
Disque de Phaïstos |

© photo Giraudon

Toute écriture est fondée sur un code qui permet à un groupe de communiquer sur la base de conventions communes. Dans de nombreuses mythologies, l’écriture est un don des dieux ou un vol fait aux Immortels, le code vient d’ « en haut ». Dans la tradition grecque où l’écriture est attribuée à Hermès, le plus humain de tous les dieux, elle semble plutôt considérée comme un fruit de l’ingéniosité humaine : le code vient d’ « en bas », des sociétés elles-mêmes.

Parfois aussi, l’écriture vient d’ « ailleurs » ; nombreux sont les peuples qui ont emprunté un système d’écriture déjà existant pour transcrire leur langue.

De l’« évanouissement » du texte renaît parfois, comme un chiffre absolu, la lettre, investie d’une puissance sacrée, enserrant dans son architecture silencieuse tous les mystères du monde. Ainsi, dans l’alphabet arabe, la lettre nun dont la forme évoque un récipient ouvert vers le haut, symbolise le monde d’ici-bas par rapport au monde supérieur, le point inscrit dans son centre figurant l’axe autour duquel ils tournent tous les deux.

Le code perdu

Parfois le code s’est complètement perdu, il faut le retrouver pour déchiffrer une écriture inconnue. C’est ainsi que l’écriture des anciens habitants de l’île de Pâques, le rongo-rongo, a disparu avec le départ des « maîtres de l’écriture », déportés sur le continent en 1863 par des négriers péruviens. Les chercheurs sont jusqu’à présent incapables de déchiffrer les mystérieux hiéroglyphes qui la composent.

Le disque de Phaïstos est l’unique échantillon d’une autre écriture aujourd’hui encore indéchiffrée.

Il reste ainsi des écritures non ou mal déchiffrées parce que leurs inscriptions sont trop courtes ou trop répétitives et parce que la langue qu’elles transcrivent est inconnue. C’est le cas du linéaire A crétois ou de l’écriture de l’Indus.

Parfois, l’écriture est déchiffrée mais la langue incompréhensible : c’est le cas de l’étrusque, dont l’écriture est proche du grec mais la langue ignorée. Ou bien encore, la langue est connue car il en existe des formes plus récentes, mais la clé de l’écriture s’est perdue comme dans le cas des écritures méso-américaines.

Pour pouvoir déchiffrer une écriture sans commettre d’erreurs de lecture, de nombreuses conditions doivent être remplies. La graphie des signes doit être parfaite.
On doit disposer de textes longs et variés pour pouvoir repérer le nombre de caractères, leur fréquence d’utilisation et leur position, et pour comprendre si chaque signe représente une lettre, une syllabe ou un mot.

La connaissance du contexte géographique et historique du document s’avère par ailleurs nécessaire pour proposer un rattachement linguistique à un groupe connu (langue sémitique, indo-européenne...) et pour attribuer leurs valeurs phonétiques aux caractères.

On essaie alors de localiser des noms, des titres royaux ou des noms de lieux connus par des textes lisibles. À partir de leur lecture, on identifie d’autres mots à l’aide des signes repérés. On détermine la grammaire de la langue notée grâce à la philologie comparée et aux principes d’orthographe qui régissent l’écriture. Le processus est plus facile si l’on dispose d’un texte bilingue, comme dans le cas de la pierre de Rosette.

Provenance

Cet article provient du site L'aventure des écritures (2002)

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