La règle de saint Benoît
Dès le VIe siècle, la règle de saint Benoît, qui fonde le monachisme occidental, circonscrit le rôle et la place des enfants dans le monastère. Les enfants ne sont pas traités comme les moines adultes. Ils jouissent d'un régime alimentaire particulier. Ils y reçoivent une éducation et une instruction relativement poussées. Pour eux, la règle connaît des aménagements à l'époque carolingienne.
   

 

Prologue.
Écoute, mon fils, les préceptes du maître et tends l'oreille de ton cœur. Reçois volontiers l'exhortation d'un père si bon et mets-la en pratique, afin de revenir par le labeur de l'obéisance à celui dont t'avait détourné la lâcheté de la désobéissance.

Chapitre 30
La manière de corriger les jeunes enfants
Chaque âge et chaque degré d'intelligence doit avoir son traitement approprié. C'est pourquoi toutes les fois que des enfants, des adolescents, et ceux qui sont incapables de comprendre la peine de l'exclusion commettent une faute, ils seront astreints à des jeûnes sévères ou fouettés rudement pour qu'ils se corrigent.

Chapitre 37
Les vieillards et les enfants
Bien que la nature humaine incline d'elle-même à l'indulgence envers ces âges, celui des vieillards et celui des enfants, cependant l'autorité de la règle aura aussi égard à eux. On prendra toujours en considération leur faiblesse et on ne maintiendra pas pour eux toute la rigueur de la règle quant à la nourriture, mais on usera de condescendance envers eux et ils mangeront avant les heures normales.

Chapitre 58
Les règles de l'admission des frères
Au nouveau venu dans la vie monastique, on n'accordera pas une entrée facile (...). Mais ensuite il sera dans la maison où les novices étudient, mangent et dorment, sous la conduite d'un ancien apte à gagner les âmes, qui le surveillera avec la plus grande attention. On observera soigneusement si le novice cherche vraiment Dieu, s'il est empressé à l'office divin, à l'obéissance et aux humiliations. (...) S'il promet de persévérer dans sa stabilité après une période de deux mois, on lui lira cette règle d'un bout à l'autre et on lui dira : "Voici la loi sous laquelle tu veux servir et combattre ; si tu peux l'observer, entre ; mais si tu ne peux pas, tu es libre, pars." S'il tient bon encore, on le ramènera dans la maison des novices et à nouveau on mettra sa patience à l'épreuve de toutes les manières (...).

Chapitre 59
Les oblats, fils de notables ou de pauvres
S'il arrive qu'un notable offre son fils à Dieu dans le monastère et que l'enfant soit très jeune, ses parents dresseront l'acte écrit dont nous avons parlé ci-dessus, ils envelopperont le document et la main de l'enfant avec l'offrande dans la nappe de l'autel. C'est ainsi qu'ils l'offriront (...).

Chapitre 63
L'ordre de la communauté
Que l'on garde son rang dans le monastère suivant les critères de la date d'entrée et du mérite de la vie et selon ce que l'abbé aura décidé (...). C'est donc selon le rang qu'il aura fixé ou qui leur revient que les frères se présenteront à la paix et à la communion, et qu'ils chanteront les psaumes et se tiendront au chœur ; et qu'absolument nulle part l'âge ne soit le critère du rang ni un motif de prévention, car Samuel et Daniel enfants ont jugé des vieillards (...). Les enfants, eux, seront maintenus en toutes circonstances dans le bon ordre par tous.

Les jeunes auront donc des égards pour leurs anciens, et les anciens de l'affection pour leurs cadets. Dans l'appellation même, il ne sera permis à personne d'en désigner un autre par son seul nom, mais les anciens appelleront les plus jeunes "frères" et les jeunes appelleront leurs aînés "révérends" pour signifier la déférence envers un père (...). Partout où les frères se rencontrent, le plus jeune demandera la bénédiction à l'ancien. Au passage d'un ancien, le plus jeune se lèvera et lui donnera place pour s'asseoir ; et le jeune ne se permettra de s'asseoir avec lui que sur l'invitation de son aîné (...). Les jeunes enfants et les adolescents, à l'oratoire et aux repas, garderont leur rang en bon ordre ; mais ailleurs, où qu'ils soient, ils seront tous surveillés et corrigés jusqu'à ce qu'ils soient parvenus à un âge raisonnable.

Chapitre 70
Nul ne se permettra de frapper qui que ce soit
(...) Pour les enfants jusqu'à l'âge de quinze ans, le soin de leur correction et leur surveillance seront assurés par tous, mais cela même se fera en toute mesure et raisonnablement. Quiconque se permet quoi que ce soit contre de plus âgés sans l'ordre de l'abbé ou sévit sans discrétion contre des enfants subira les sanctions de règle, car il est écrit : "Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'on te fasse."


     
 

Extrait de la règle de saint Benoît, traduction nouvelle par un moine de Solesmes (Solesmes, 1988)



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