La fondation du collège des Dix-Huit (1180)
  Le problème de l'entretien des écoliers aux études, et en particulier des plus pauvres d'entre eux, ceux pour lesquels les ressources parentales n'étaient pas suffisantes pour permettre à leurs enfants un séjour long et toujours coûteux aux écoles, est une des préoccupations les plus fréquemment évoquées dans la documentation concernant la vie scolaire au Moyen Âge. Parmi les solutions qu'on a tenté d'apporter au problème, et avant la généralisation de la pratique de la concession de bénéfices ecclésiastiques en faveur des scolares, pratique qui ne s'impose vraiment qu'au temps de la papauté d'Avignon et surtout du grand schisme (1378-1417) – encore ne faudrait-il pas en exagérer la portée, en ce qui concerne les écoliers pauvres –, le système des collèges médiévaux est l'une des plus efficaces. À la différence des établissements d'enseignement qui portent ce nom depuis le XVIsiècle, le collège médiéval n'a pas primitivement pour but une vocation essentiellement pédagogique : fondation pieuse de quelque mécène, généralement un clerc ayant fait son chemin dans la hiérarchie ecclésiastique ou bien pourvu en revenus personnels, voire un grand laïc, le collège du Moyen Âge est d'abord une institution d'assistance et d'hébergement destinée à permettre à des écoliers pauvres et méritants la poursuite d'études qui risqueraient sans cela d'être difficilement réalisables. Les villes universitaires médiévales ont connu un développement plus ou moins important de ce type d'institutions. À Paris, "paradis pour les riches..., insatiable marécage pour les pauvres", selon les mots de l'auteur du Laborintus, ce "livre des misères du maître d'école", leur présence s'imposait tout particulièrement, et effectivement la grande cité a connu plus d'une cinquantaine de collèges au Moyen Âge. Si le pieux établissement fondé au milieu du XIIIe siècle par le chapelain de Saint Louis, Robert de Sorbon, et qui a hérité de ce dernier le nom de "Sorbonne", est assurément le plus célèbre, ce n'est certes pas le plus ancien de ces collèges. Celui dit des "Dix-Huit", ainsi appelé parce qu'il avait été institué pour héberger dix-huit pauvres écoliers, peut revendiquer ce titre ; à tout le moins, la charte du doyen de Notre-Dame, Barbedor, qui notifie la fondation faite en leur faveur en 1180 par un Anglais du nom de Josse, de retour de Jérusalem, est-elle le plus ancien texte de ce type conservé pour la ville de Paris.
    
 
 

Nous, Barbedor, doyen de l'église de Paris et tout le chapitre de la même église, nous voulons que soit connu de tous, tant présents qu'à venir, que, lorsque messire Josse de Londres est revenu de Jérusalem, ayant considéré avec la plus soigneuse dévotion l'assistance qui est portée aux pauvres et aux malades dans l'hôpital de la bienheureuse Marie de Paris, il vit là une chambre dans laquelle selon un vieil usage étaient hébergés les pauvres clercs et, sur notre conseil et celui de maître Hilduin, chancelier de Paris, alors procureur du même lieu, il en fit l'acquisition à perpétuité pour le prix de 52 livres auprès des procureurs de la même maison pour l'usage desdits clercs, sous cette condition que les procureurs de celle-ci fourniraient à titre perpétuel à 18 clercs écoliers des lits convenables et chaque mois douze deniers pris sur les aumônes qui sont recueillies dans le coffre. En contrepartie. lesdits clercs devront à tour de rôle porter la croix et l'eau bénite devant les corps des personnes décédées dans la même maison et célébrer chaque nuit sept psaumes de pénitence et les prières dues et instituées anciennement. Afin que ces dispositions demeurent fermes et stables, ledit Josse a obtenu que cette charte de notre institution soit faite par lesdits clercs et a demandé qu'elle soit confirmée par l'impression au bas de notre sceau. Fait publiquement à Paris, en notre chapitre, l'an de l'Incarnation du Seigneur 1180.
[Suivent les signa du doyen Barbedor et de tous les autres dignitaires ou simples clercs du chapitre de Notre-Dame].

 
 

H. Denifle, Chartularium universitatis Parisiensis, t. 1, Paris, 1899, p. 49-50 (n° 50). Traduction du latin.