Étienne Boileau, le Livre des métiers (1268)
  Première grande compilation de règlements sur les métiers parisiens, le Livre des métiers d'Étienne Boileau, prévôt des marchands, fut rédigé vers 1268. Nous avons retenu ici le passage sur les mesureurs de grains qui montre comment cette profession était organisée et surveillée. Ce n'est là qu'un exemple parmi d'autres car il est possible de retrouver ce type de contrôle dans d'autres villes marchandes où l'on tenait aussi à disposer d'un corps d'agents scrupuleux aussi bien au mesurage qu'au pesage.
    
 
 

Des mesureurs de blé et de toute autre sorte de grains

Nul à Paris ne peut être mesureur de blé ni d'aucune autre sorte de grains, de quelque façon que ce soit, s'il n'a la permission du prévôt des marchands et de la confrérie. II convient que quiconque a obtenu la permission de mesurer jure sur les saints, avant de pouvoir mesurer, qu'il fera le mesurage aussi bien qu'il le peut et loyalement, quel que soit le grain qu'il mesure et qu'il donnera la juste mesure, bien et loyalement, au vendeur et à l'acheteur. Aucun mesureur ne peut ni ne doit demander, pour le mesurage d'une charretée de grains, plus que 4 deniers, pour un char 8 deniers, pour une charge 1 denier, cela quelle que soit la bête, âne ou cheval, et cela que les charges ou les charretées soient grandes ou petites. C'est le vendeur qui paie le mesurage. Si quelqu'un a vendu son blé ou son grain, quel qu'il soit, il peut le mesurer lui-même si I'acheteur veut le recevoir de sa main : mais si l'acheteur le désire, les mesureurs jurés le mesureront. Si un bourgeois de Paris ou un étranger du dehors, quel qu'il soit, livre l'échantillon de son grain pour le vendre et qu'il le vende, il doit assigner au mesurage une somme suffisante de bon argent et le mesureur doit avoir pour chaque muid de grain 6 deniers de mesurage et, pour la vente, il ne peut ni en demander ni en prendre plus. Et s'il y en a plus, il doit avoir plus et s'il y en a moins, moins. Aucun mesureur ne peut mesurer de grains s'il n'a pas de mesure marquée du seing du roi et s'il le faisait, il serait à la merci du prévôt de Paris. S'il a une mesure et qu'elle ne soit pas signée, il doit la porter au Parloir aux Bourgeois et elle doit y être ajustée et marquée. Le propriétaire de la mesure, que ce soit une mine ou un minot, doit payer 4 deniers pour I'ajuster et la marquer. Si une mine ou un minot se faussent, c'est-à-dire s'ils s'évasent ou se rétrécissent de telle sorte qu'ils ne puissent suffire à mesurer loyalement, le mesureur n'est soumis à nulle amende, s'il ne I'a pas fait par tricherie, sinon il serait à la merci du roi car ce serait larcin. Aussitôt que le mesureur s'aperçoit que sa mine est faussée, il doit la reporter au Parloir à cause de son serment et si l'on trouve au Parloir que la mine n'est ni bonne ni loyale, elle doit être cassée et le mesureur doit récupérer le fer. Si elle est bonne et loyale, le mesureur doit 4 deniers pour la réajuster chaque fois qu'il le fera et il ne doit pas payer plus du marquage et de I'ajustage. Nul mesureur ne peut ni ne doit faire aucune manière de commerce de grains dans la ville de Paris ; il ne peut pas non plus acheter du grain pour l'envoyer chez des bourgeois de la ville de Paris si le bourgeois ou son représentant n'est pas présent. Aucun marchand de grains, vendeur ou acheteur quel qu'il soit, ne peut ni ne doit en la ville de Paris mesurer chose à vendre au-delà d'un setier en une fois. S'il y avait plus à mesurer, il devrait appeler un mesureur juré et le mesureur devrait mesurer le muid pour 4 deniers ; s'il y en a plus, il doit avoir plus et s'il y en a moins, moins.

 
 

Les Métiers et les corporations de la ville de Paris.
XIIIe siècle. Le Livre des métiers d'Étienne Boileau
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publié par René de Lespinasse et François Bonnardot, Paris, Imprimerie nationale, 1879, p. 18-20 (Histoire générale de Paris). Traduction de l'ancien français.