Provisions pour l'hiver
 
 

Quand on arriva aux alentours de la Saint-Remi, je faisais faire des achats pour remplir ma porcherie de porcs et ma bergerie de moutons, et de la farine et du vin pour l'approvisionnement de la maison tout l'hiver ; et je faisais cela parce que les denrées enchérissent en hiver, à cause de la mer – qui est plus mauvaise en hiver qu'en été. 503. Et j'achetais bien cent tonneaux de vin, et je faisais toujours boire le meilleur d'abord ; et je faisais couper d'eau le vin des jeunes, et de moins d'eau le vin des écuyers. À ma table on servait, devant mes chevaliers, une grande bouteille de vin et une grande bouteille d'eau et ils le coupaient comme ils voulaient.
504. Le roi m'avait confié, dans mon corps de bataille, cinquante chevaliers. Toutes les fois que je mangeais, j'avais dix chevaliers à ma table avec les dix miens ; et ils mangeaient les uns en face des autres, selon la coutume du pays, et s'asseyaient sur des nattes, par terre. Toutes les fois que l'on criait aux armes, j’y envoyais cinq chevaliers que l’on appelait diseniers, parce qu’ils étaient chacun le dixième. Toutes les fois que nous chevauchions en armes, tous les cinquante chevaliers mangeaient dans ma maison au retour. Toutes les fêtes annuelles, j’invitais tous les hauts personnages de l’armée ; et il était parfois nécessaire que le roi emprunte certains de ceux que j’avais invités.

 
 

Joinville, Vie de Saint Louis, 1309, traduction de Jacques Monfrin (Classiques Garnier, 1995, p. 249-251)