Repas de fête
 
 

Ils furent donc mariés dans l'allégresse. Après la messe, ils se remirent en route : le comte escorta l'épousée, avec un prince du pays. Ils entrèrent dans la grande salle, que tous trouvèrent magnifique. Le repas était prêt : ils se lavèrent les mains puis s'assirent aussitôt. Le comte prit place près de l'épousée ; puis la comtesse, puis un grand seigneur du pays que l'on plaça là pour l'honorer. Raymondin faisait le service avec les chevaliers. Les écuyers apportèrent les plats. Les mets étaient en telle abondance qu'on pouvait les compter à l'infini : vin d'Aunis, vin de La Rochelle qui échauffe les cervelles, vin de Thouars et vin de Beaune, qui n'est pas de couleur jaune ; vin au miel, au romarin, hypocras coulaient d'un bout à l'autre de la salle, avec les vins de Tournus, de Dijon, d'Auxerre et de Saint-Gengoux, et le vin de Saint-Jean-d'Angély, fort prisé. Le vin vendu au marché et le vin du Villars suivirent le vin bâtard. Le vin de Saint-Pourçain, le vin de Ris remportèrent la palme des vins légers. L'Azoia nouveau, le vin du Donjon furent proclamés les meilleurs. Et ils eurent même du vin de Bordeaux, que chacun avait aussi dans son logis. Les invités avaient tout ce qu'ils demandaient, à boire ou à manger. Après le repas, on organisa près de la fontaine une très belle joute, où Raymondin se dépensa tant qu'il surpassa tous ses adversaires. Les joutes durèrent jusqu'au soir, puis on alla souper. Après les vêpres, on se mit à table et l'on soupa avec grand plaisir. Puis quand chacun fut rassasié, on dansa, je crois bien, sans plus tarder et longuement.

 
 
 

Coudrette, Le Roman de Mélusine, début du XVe siècle, traduction de Laurence Harf-Lancner (GF-Flammarion, 1993, p. 58-59)