Banquet final
 
 

Quand ils eurent assisté à toute la messe,
ils sont retournés au palais.
Tout était déjà préparé,
les tables dressées et les nappes mises :
il y avait cinq cents tables et plus,
mais je ne cherche pas à vous faire accroire
chose invraisemblable.
Le mensonge semblerait trop évident,
si je disais que cinq cents
tables étaient mises à la file
dans une grande salle ; aussi, ne le dirai-je pas.
En revanche il y avait cinq salles si remplies
que l'on pouvait à grand-peine
trouver un passage entre les tables.
À chaque table, à dire vrai,
il y avait roi ou duc ou comte,
et cent chevaliers bien comptés
étaient assis à chacune d'elles.

 
 

Mille serviteurs servaient le pain,
et mille, le vin et mille, les mets,
tous vêtus de pelisses d'hermine neuves.
Tous sont servis de mets divers
et, bien que je ne les aie pas vus,
je saurais cependant vous les énumérer,
mais j'ai autre chose à faire
que de vous raconter le repas.
Ils eurent à manger sans restriction ;
dans la liesse et dans l'opulence,
ils furent servis à volonté.
Quand cette fête fut achevée,
le roi congédia l'assemblée
des rois, des ducs et des comtes
qui étaient venus en grand nombre,
des grandes et des petites gens
qui s’étaient rendus à la fête.

 
 

Chrétien de Troyes, Érec et Énide, vers 1170, traduction de Jean-Marie Fritz (Livre de poche, "Lettres gothiques", 1992, p. 521-525)