Un loup apprivoisé
 
 

Quand le repas fut prêt et que les barons se furent lavé les mains, le roi se les lava à son tour et s’assit. On mit devant eux les nappes, le roi appela Yder et le fit asseoir à ses côtés. Aux pieds du roi était couché Mélion qui reconnaissait bien tous les barons. Le roi le regarda à plusieurs reprises, il lui donna du pain et Mélion se mit à manger. Saisi d’étonnement, le roi dit à Yder :
– Regardez, soyez-en sûr, ce loup est apprivoisé.
Il lui donna un petit morceau de pain que le loup mangea avec appétit.
– Seigneur, dit Gauvain, voyez, ce loup n’a pas le comportement d’une bête.
Et les barons disaient entre eux qu’on n’avait jamais vu un loup si courtois. Le roi fit apporter devant le loup du vin dans un bassin ; en le voyant, le loup en but, il en avait fort envie, ce que le roi remarqua avec intérêt. Après s’être levés de table et s’être lavé les mains, les barons sortirent sur la grève ; le loup s’attachait aux pas du roi ; partout où il allait, on n’arrivait pas à l’en défaire. Quand il voulut aller se coucher, il fit préparer son lit pour dormir, car il était très fatigué : le loup le suivit encore, on ne put le séparer du roi et il se coucha à ses pieds.

 
 
 

"Lai de Mélion", Lais féeriques des XIIe et XIIIe siècles, traduction d’Alexandre Micha (GF-Flammarion, 1992,
p. 281-283)