Création des foires de Montbrison par le comte de Forez
(25 mai 1308)
  Il existe déjà en Forez une modeste foire à Feurs et une quinzaine de marchés, quand le comte institue une foire à Montbrison. De très nombreux points sont directement imités des foires de Champagne, depuis le sauf-conduit comtal et les garanties qu'il apporte au règlement final des paiements ("dettes"), jusqu'au déroulement concret des foires. Étienne Fournial a pu montrer qu'il s'inspirait aussi de leur calendrier : s'insérant dans un cycle régional (foire de Vienne du 11 au 26 novembre), les foires projetées tiennent aussi compte des dates des foires de Champagne, espérant sans doute profiter des mouvements de marchandises (début de la foire "froide" de Troyes le 2 novembre, début de la foire de Provins le mardi avant l'Ascension). Le succès escompté ne fut pas au rendez-vous : sauf en 1311 une allusion aux "loges des foires", on n'en a plus ensuite de mention. Le pouvoir comtal attendra les années 1399-1400 pour instituer, sans rappeler de précédent, une nouvelle foire annuelle de trois jours à compter de la Saint-Luc. On a repris la numérotation des articles donnée par l'éditeur, qui permettra de repérer les paragraphes non reproduits, concernant essentiellement des points de justice, de procédure ou d'application des mesures.
    
 
 

Nous, Jean comte de Forez, faisons savoir à tous ceux qui verront ces présentes lettres que nous donnons et octroyons à tous les marchands et à toutes manières de gens qui viendront aux foires de Montbrison les franchises et libertés qui s'ensuivent. [1] Premièrement, nous voulons et ordonnons que la première foire commencera l'endemain de la Toussaint et la seconde 8 jours avant l'Ascension ; et chacune de ces 2 foires durera 8 jours et aucun marchand venant auxdites foires ne sera tenu de payer [de droit] d'entrée ; et le dernier de ces 8 jours on réglera les paiements.
[2] Item que les marchands qui viendront auxdites foires seront chaque année tenus d'élire, de leurs marchands, avant qu'ils ne commencent à vendre les draps dans chaque foire, quatre marchands qui auront plein pouvoir de faire règlements et ordonnances et d'édicter des peines et de faire toute autre chose qu'ils verront utile à la réformation et au profit desdites foires, c'est à savoir deux de France et un de Lyon et un d'un autre pays.
[3] Item que les marchands qui viendront auxdites foires pourront vendre en gros à l'aune de Champagne et au détail à l'aune chartraine qui est établie audit lieu, et pas à une autre et vendront à petits tournois : et que les marchands de France ou d'autre pays qui vendront des draps en gros pourront prendre des loges et avoir leurs loges un jour avant les vendeurs au détail et pourront prendre place et loges avant tout autre marchand.
[4] Item que les marchands qui viendront auxdites foires ne seront tenus, les deux premières années, de payer de [droit de] péage dans notre comté, ni à l'entrée, ni à la sortie, pour rien de ce qu'ils apportent et amènent, ni pour leurs chevaux ; et pendant ces deux années ils auront leurs loges franches sans rien payer ; passé les deux années, ils ne paieront pas [de droit] d'entrée à Montbrison, mais à la sortie paieront le droit sur ce qu'ils en rapporteront, sauf qu'ils ne paieront rien pour leurs personnes ni pour leurs chevaux.
[5] Item chaque trousseau de bête paiera de [droit de] sortie de foire, passé les deux [premières] années, un gros tournois d'argent vieux ; et chaque charrette à deux roues, deux deniers tournois gros vieux d'argent ; et chaque charrette à quatre roues, quatre deniers tournois vieux gros d'argent.
[6] Item que les marchands qui viendront auxdites foires à crédit et voudront prendre lettres de notre sceau, auront le sceau pour 6 deniers tournois 8 jours avant les foires et 8 jours après et pendant lesdites foires.
[7] Item que nous serons tenus de contraindre tous ceux qui feront des dettes auxdites foires, pour lesquelles ils donneront les lettres scellées du sceau dessusdit, selon la coutume observée aux foires de Champagne.
[8] Item s'il advient qu'un marchand venant auxdites foires parte des foires sans payer ce qu'il doit, le créancier fera faire, sur ce défaut de paiement, des lettres scellées dudit sceau : mais ni nous ni nos gens ne serons autrement tenus de contraindre le débiteur.
[9] Item chaque loge de drapier paiera, passé les deux [premières] années, cinquante sous de bons tournois à la foire d'été et quarante sous à la foire d'hiver.
[10] Item chaque loge de mercerie paiera auxdites foires dix sous, en hiver comme en été.
[11] Item chaque table de change paiera quarante sous.
[12] Item chaque loge de friperie paiera vingt sous.
[13] Item chaque loge d'objets de fer et d'avoir de poids, quarante sous.
[14] Item chaque loge de pelleterie, quarante sous.
[15] Item chaque loge de corroierie, vingt sous.
[16] Item chaque loge de serrurerie, vingt sous.
[17] Item les autres denrées qui se vendront hors des halles paieront selon la quantité vendue.
[18] Item nous devons livrer auxdites foires loges suffisantes et installées, de la grandeur et du nombre de celles de Chalon, installées 8 jours avant la foire et baillées et délivrées deux jours avant le début de la foire par les quatre marchands dessusdits.
[20] Item que ni nous ni nos gens ne pourrons annuler ni remettre les peines édictées par lesdits quatre marchands ou leurs représentants, sans raccord des quatre marchands.
[21] Item que lesdits quatre marchands ou leurs représentants pourront lever ou taxer ou faire lever les dépenses, qui seront faites pour le commun profit desdites foires ou pour les marchands qui y viendront, sur les marchands qui seront venus auxdites foires.
[23] Item nous garderons tous les marchands et ceux qui les accompagnent et leurs biens, qui viendront auxdites foires, en sauf-gage et sauf-conduit, en bonne foi, en venant, allant, demeurant ; et les biens qu'ils perdront en notre terre et au détroit de notre comté, par violence ou par rapine, nous les leur rendrons sur nos propres biens, entièrement ; et ce qu'ils perdraient hors de notre terre et de notre détroit, nous ferons notre possible pour le leur faire recouvrer, selon la coutume des foires de Champagne.
[24] Item que les marchands qui viendront aux dites foires, passé les deux [premières] années, ne paieront point de péage en la ville de Montbrison pour les draps qu'ils amèneront ou remporteront.
[27] ltem que durant lesdites foires il n 'y aura pas de banvin aux dites foires en la ville de Montbrison, mais que chacun pourra vendre du vin en la ville de Montbrison durant lesdites foires.
[28] ltem que durant lesdites deux [premières] années nous ferons crier lesdites foires, pendant six semaines avant le début desdites foires, selon l'ordonnance ci-dessus, dans la terre de Viennois, de Provence, de Velay et d'Auvergne.
[29] ltem que durant lesdites foires on ne tiendra foire ni marché dans tout notre comté de Forez hors de la ville de Montbrison.
[...] En témoin de quoi, nous confessons toutes les choses dessusdites être vraies et par nous établies et ordonnées ; et promettons en bonne foi, nous obligeant nous et nos héritiers et successeurs, les tenir et garder fermement; et avons donné les présentes lettres scellées de notre propre sceau, données à Montbrison le samedi après l' Ascension, l'an de grâce mil trois cent et huit.
Et il est à savoir que la première des deux années dessusdites commencera à la Toussaint passée, de l'an mil trois cent et sept.

 
 

Étienne Fournial, "Lettres comtales instituant les foires de Montbrison (1308, 1399, 1400, 1409, 1410, 1438)", dans Bulletin de la Diana, 47, 1981-1982, p. 279-294, spéc. p. 280-285 (d'après une copie de 1480 environ). Modernisé d'après la version en moyen français.