L'empyrée
  

Au plus haut des cieux, l'empyrée – notion tardive issue de saint Anselme (XIsiècle) – voit trôner la Vierge Marie et Jésus. Le graveur déforme subtilement la théorie de l'empyrée qui devrait rassembler Dieu et la Vierge. Rien n'évoque le Saint-Esprit. À la place de Dieu, c'est le Fils, reconnaissable à son nimbe crucifère, qui est représenté. Quant à Marie, c'est la Vierge aux pieds reposant sur la lune, à la manière de la femme enceinte de l'Apocalypse, que l'artiste a choisi de figurer : son auréole est emplie des douze étoiles et son corps est environné de flammes. La banderole du Christ, appelant à lui les bénis – "Ici les bénis de mon père (Venite beneditti patris me)" –, et celle de la Vierge – "Mon cher fils, je vous recommande mes plus chers enfants (Filii dulcissime come[n] do tibi hos meos carissimos filios)" – confirment au spectateur de l'image la vocation salvatrice du pèlerinage et celle protectrice, de la Vierge, patronne des pèlerins. Mère et Fils sont symétriques ; le même geste de bénédiction les anime. Tous deux évoquent puissamment la fin des temps, moment où les laïcs et les clercs ordinaires auront enfin accès, si leurs bonnes œuvres le leur permettent, au paradis.

 

     

 

 

Dieu, infigurable, apparaît, aveuglant le regard, sous la forme parfaite d'un cercle éblouissant de blancheur, encadré des séraphins et des chérubins qui constituent sa garde rapprochée, et surmontant une nuée (au travers de laquelle il apparaît toujours aux humains). Ce cercle évoque le motif de l'œil de Dieu, toujours ouvert, qui juge sans répit les péchés des hommes. Ce thème de la lumière divine est un motif extrêmement répandu à la fin du XVe siècle, retenant notamment l'attention de Marsile Ficin, philosophe platonicien et théologien de la lumière.

 

La hiérarchie est échelonnée au sein de l'empyrée. Habité par des légions célestes (anges armés de masses, d'épées, de verges ou de la palme), on n'y voit pas de laïcs, pas même de grands clercs d'Église, ni de saints.
L'appel du Christ et le rôle de la Vierge répondent parfaitement au motif du pèlerinage outre-mer. La Vierge est la principale sainte patronne des pèlerins. Elle l'est aussi de la confrérie que paraît mettre en valeur cette gravure, d'après le phylactère central – "Societas recommendatorum gloriose Virginis Marie ac defensor fidei YHS XPI" (œuvre des consacrés à la glorieuse Vierge Marie et des défenseurs de la foi en Jésus-Christ) –, et qui semble dévouée à la défense de la foi du Christ, c'est-à-dire au renouveau du pèlerinage à Jérusalem et de la croisade en Terre sainte. Les confréries et sociétés de bienfaisance sont nombreuses à Florence comme dans d'autres villes italiennes, en cette fin du XVe siècle.