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Traditionnellement,
les uvres de miséricorde sont au nombre de sept. Les observer
est une façon pour les laïcs d'abréger leur temps de
purgatoire par leurs bonnes actions. Il existe deux manières d'y
parvenir, l'une n'excluant pas l'autre : sacrifier ses biens pour
les pauvres d'une part, s'investir personnellement dans le soutien aux
malheureux d'autre part. La mendicité n'est pas négativement
connotée au Moyen Âge. Liés par leur vu de pauvreté,
les pèlerins laïcs mendient à juste titre pour accomplir
leur pèlerinage, durant lequel ils n'ont pas le droit de travailler.
En échange de l'aumône, les mendiants prient pour les donateurs.
La gravure met en scène sept bâtiments représentant
de manière symbolique chacune des uvres de miséricorde,
ainsi qu'une église. Représentés en vue ascendante,
ils constituent les marches d'un escalier spirituel qui mène
vers le ciel. Sur la rangée de droite, de bas en haut, se trouvent
l'église, la prison, la maison mortuaire et l'hospice des pèlerins ;
sur la rangée de gauche : l'hôpital, une maison noble
et deux maisons urbaines. Chaque bâtiment est l'illustration d'un
extrait de l'Évangile selon saint Matthieu (25-40), inscrit sur
la façade, ou au-dessous des scènes représentées :
"J'étais en prison et tu m'a visité (in carcere
eram et venistis ad me)" pour la prison ; "J'étais
mort et tu m'a donné une sépulture (mortuus eram et
sepellistis me)" pour la maison mortuaire ; "j'étais
étranger et tu m'as accueilli (ospes era[m] et collegistis
me)" pour l'hospice de pèlerin ; "J'étais
malade et tu m'as visité (infirmus eram et visitatis me)"
pour l'hôpital ; "j'étais nu et tu m'as revêtu
(nudus eram et vestistis me)" pour la distribution de vêtements ;
"J'avais soif et tu m'as abreuvé (sitivi et dedistis
michi bibere)" pour la distribution de vin ; "J'avais
faim et tu m'as nourri (esurivi et dedistis michi manducare)"
pour la distribution de pain.
Le choix de textes attribués à saint Matthieu dans ce contexte
de l'économie du salut n'est peut-être pas anodin. Il faut
se souvenir que Matthieu, qui se nommait Lévi avant de rencontrer
Jésus, était un percepteur d'impôts. Au Moyen Âge,
il est souvent représenté en train de compter son argent.
En s'exprimant dans la gravure, Matthieu continue de collecter de l'argent,
mais cette fois, c'est pour la bonne cause.
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"Faire
pénitence " |
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L'église
: faire pénitence
L'église est surmontée d'une croix et porte à son
fronton la représentation du Christ crucifié flanqué
de deux séraphins. L'image identifie la fonction de l'église :
célébrer (c'est-à-dire réitérer)
le "sacrifice de la messe", en offrant aux fidèles
le don du sang rédempteur des péchés des hommes.
Dans l'église, réduite à son chur, le prêtre
auréolé est en train de célébrer la messe.
C'est saint Grégoire. Il est représenté au moment
clé de la consécration de l'hostie, devant une image célèbre :
la "messe de saint Grégoire" représentant la
vision du Christ de pitié sortant du Sépulcre, que saint
Grégoire, moine élu pape au Ve siècle,
eut au cours de la célébration d'une messe. Cet épisode,
représenté pour la première fois sur une mosaïque
de Santa Croce in Gerusalemme de Rome, fut très souvent reproduit
en peinture et en gravure. Le Christ est figuré avec les arma
Christi, objets qui ont participé aux souffrances de la Passion :
la tenaille, la sainte lance, le marteau et l'éponge. Cette image
de piété de la "messe de saint Grégoire"
est identifiée par l'inscription gravée sur l'emmarchement
de l'église : "Ici est l'image de dévotion (imago
pietatis)
" Cette mention est d'une grande importance
pour le lecteur de l'image qui doit pouvoir la reconnaître. En
effet, la contemplation de l'image valait aux fidèles de généreuses
"indulgences", c'est-à-dire une réduction non
négligeable du temps de peine au purgatoire. Si, après
s'être confessé (ce que la scène prend bien soin
d'expliquer), le fidèle récite devant cette image du Christ
sept Pater, sept Ave et sept prières intitulées "oraisons
de saint Grégoire", il obtenait en échange six mille
ans de "vrai pardon" offerts à la demande de saint
Grégoire lui-même. Les chiffres augmentent même au
XVe siècle : quatorze mille
ans, vingt mille ans, etc. ! Une image dans l'image a-t-elle la
même vertu ? C'est loin d'être impossible. Des huit
scènes que présentent les bâtiments, celle de l'église
est la seule qui soit présentée de face : elle interpelle
davantage le lecteur de l'image ainsi mis en abyme.
À l'extérieur du chur, un fidèle est agenouillé :
cette scène évoque l'une des obligations (annuelle seulement)
des paroissiens : la confession. Le prêtre, une main sur sa
tête, lui donne l'absolution et sa bénédiction. Aucun
salut de l'âme n'est envisageable sans cet acte ; c'est le
premier pas vers le paradis. Aucun pèlerinage ne peut s'effectuer
sans avoir préalablement fait pénitence. Aucune indulgence
de l'image de la "messe de saint Grégoire" ne peut s'obtenir
sans une confession préalable.
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La
prison : visiter les prisonniers
Le bâtiment suivant est une prison, reconnaissable à sa grille,
à sa basse porte et à son crénelage : les merlons
évoquent le pouvoir seigneurial de basse justice. Tout homme de
foi est invité à visiter les prisonniers, à leur
distribuer la bonne parole, à aider financièrement ceux
qui sont libérés, les aidant ainsi à se "relever",
matériellement et allégoriquement. Celui qui se livre à
cette tâche tient une bourse à la main.
À l'intérieur de la prison, on observe trois catégories
de prisonniers qui représentent les trois âges de la vie :
la tête passant entre les barreaux représente un jeune homme
glabre aux traits poupins ; en dessous, un adulte mûr, mal
rasé ; enfin, libéré, et sortant à genoux
de la geôle, un vieillard barbu qui a sans doute passé une
bonne partie de sa vie enfermé.
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"Visiter
les prisonniers"
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"Enterrer
les morts"
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La
maison du prêtre : enterrer les morts
À la porte du presbytère, un prêtre bénit le
corps d'un défunt que l'on glisse dans un caveau. C'est un notable
de la ville qui, protégé d'un tablier, se livre à
cette activité. Les villes d'Italie et du sud de la France, après
les grandes épidémies de peste, ont en effet créé
des confréries spécialisées dans le don de linceuls
à qui n'était pas assez riche pour disposer d'au moins un
drap au jour de sa mort (les textiles coûtent très cher à
l'époque) : ce sont les "uvres du linceul".
Le mort est emmailloté aux frais de la confrérie qui assume
aussi les frais d'inhumation, acte gratuit en théorie, mais qui
ne l'est plus au XVe siècle.
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"Abriter
les pèlerins" |
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L'hospice
des pèlerins : abriter les pèlerins
Tout fidèle doit l'hospitalité aux pèlerins, soit
sous une forme matérielle (à boire, à manger, un
lit pour dormir), soit sous une forme financière : des jetons
ou des pièces pour que le pèlerin se procure de quoi vivre,
car il n'a pas le droit de travailler pendant son pèlerinage. Il
existe des hospices de pèlerins partout en Europe : ce sont
de simples maisons reconnaissables à un insigne (une coquille,
une statue de saint Jacques, etc.) sculpté sur le mur de façade.
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L'hôpital
: soigner les malades
À la porte de l'hôpital, un homme de foi au costume protégé
par un tablier accueille deux personnes agenouillées, signe qu'elles
demandent de l'aide : un vieillard et un (ou une ?) blessé,
un bandeau sur la tête. À l'intérieur du bâtiment,
des lits alignés accueillent les malades. Debout à leur
chevet, une personne est dévolue à leur aide. Les malades
sont couchés à un seul par lit, ce qui témoigne d'un
modernisme remarquable de la pratique médicale.
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"Soigner
les malades" |
"Vêtir
les hommes nus"
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Maison
noble : vêtir les hommes nus
À la porte d'une maison noble, dotée d'une cheminée
symboliquement ornée d'un crénelage, de fentes et d'abat-vent
qui la font ressembler à une tour en miniature, un notable habille
un pauvre agenouillé, tandis qu'un autre, sommairement vêtu
d'un sous-vêtement (une nouveauté du Moyen Âge finissant),
attend son tour de recevoir des habits neufs.
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Maison
urbaine : abreuver les assoiffés
À la porte d'une puissante maison, sans doute l'hôtel d'un
riche marchand, son propriétaire donne à boire du vin (boisson
nourrissante et riche de symbole chrétien) à un aveugle
ou à un voyageur (son bâton de marche et de défense
n'a pas les pommeaux du bourdon du pèlerinage).
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"Nourir
ceux qui ont soif" |
"Nourir
ceux qui ont faim" |
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Maison
urbaine : nourrir ceux qui ont faim
Sous l'encorbellement d'une belle demeure, un homme de foi donne à
manger du pain aux voyageurs de passage, dont un pèlerin reconnaissable
à son bourdon.
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