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Sur une période de mille ans, la France a
connu des périodes de développement et des périodes
plus troublées. Après les dernières invasions arabes,
hongroises et normandes du Xe siècle,
et à la faveur d'un réchauffement climatique, la paix et
l'amélioration des récoltes favorisent une relative prospérité.
Les derniers siècles du Moyen Âge, XIVe
et XVe siècles, connaissent au contraire
la guerre de Cent Ans, la
Grande Peste et une crise économique majeure. La faim, la maladie
ou la guerre ne touchent donc pas les populations avec une égale
acuité selon les époques. |
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Famines et épidémies
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Les conditions d'alimentation et d'hygiène
fragilisent la population atteinte par de nombreuses maladies que la médecine
ne sait pas guérir. La variole, d'abord, appelée alors petite
vérole, arrive en France au VIe siècle.
Pendant la guerre de Cent Ans, elle frappe durement à Paris les
enfants en l'année 1445. La dysenterie accompagne souvent la famine.
Saint Louis en meurt à Carthage en 1270.
L'une des principales maladies est la fièvre catarrhale, en fait
la grippe, qui donne lieu à des épidémies mortelles.
La tuberculose n'est pas identifiée en tant que telle. On en distingue
trois types de manifestation : la fièvre hectique ou étisie
qui est l'appellation de l'atteinte des poumons, les écrouelles
ou scrofule pour nommer les symptômes des ganglions, et l'hydrocéphalie
qui désigne l'atteinte des méninges. Le roi de France, après
son sacre, a le pouvoir de guérir les écrouelles par simple
attouchement.
Dans les régions où on cultive le seigle se développe
l'ergotisme, appelé "mal des ardents" ou "feu de
saint Antoine", qui gangrène les membres et fait de nombreux
morts. Mais la grande maladie du Moyen Âge est la lèpre,
vécue comme une punition de Dieu. La peur de la contagion, au sens
physique autant que moral, isole les malades : une cérémonie
religieuse, la "séparation", exclut véritablement
le malade de la communauté si la maladie est confirmée.
Il est conduit à l'église, en procession, sur un brancard,
couvert d'un drap mortuaire. À la fin de la cérémonie,
il reçoit une paire de gants, une écuelle et une clochette
pour alerter partout de sa présence. Le prêtre lui interdit
désormais l'accès à l'église et à tous
les lieux publics et plus particulièrement aux fontaines. Il ne
doit pas approcher les enfants, ni partager ses repas avec d'autres que
ses semblables. Les léproseries se multiplient à l'extérieur
des villes. On comptent 60 000 lépreux au XIIIe siècle.
Plus rare est la peste. Elle avait disparu d'Europe depuis huit siècles
quand, au printemps 1348, des marins génois la rapportent d'Orient
en Italie puis en France et dans l'ensemble de l'Europe par les routes
commerciales. Combinant deux formes de peste, la peste bubonique et la
peste pulmonaire, l'épidémie fait des ravages et reste longtemps
dans les esprits comme la "Grande Peste" ou "Peste Noire".
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Désordres monétaires
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La société médiévale
connaît de nombreuses périodes de désordres monétaires.
Ainsi, à la fin du XIIIe siècle,
Philippe le Bel (1285-1314) s'engage dans une politique militaire onéreuse
contre l'Aquitaine anglaise et la Flandre. Il doit maintenir ses revenus
monétaires tout en tenant compte des tensions liées au marché
des métaux précieux. Des réajustements ont déjà
rompu la stabilité de la "bonne monnaie" de Saint Louis.
En effet, les anciens deniers tournois, encore utilisés, se sont
usés et ont perdu de la valeur en argent. De plus, les deniers
tournois récents sont frappés avec une certaine "tolérance"
quant à leur titrage en argent. Les autorités royales doivent
pallier l'augmentation régulière du cours des métaux.
Elles pratiquent donc des mutations (dévaluations en série
ponctuées parfois de réévaluations partielles) qui
affaiblissent la valeur intrinsèque des monnaies et affectent le
rapport de valeur entre l'or et l'argent.
Ces mutations sont fréquentes sous le gouvernement de Philippe
le Bel et perturbent au quotidien l'économie du royaume. Aux dévaluations
(1295-1305) succèdent des réévaluations (1305-1311).
Mais le renforcement brutal d'une monnaie faible paralyse les transactions.
On retrouve avec une autre ampleur les mêmes vicissitudes monétaires
durant la première phase de la guerre de Cent Ans. Les fils de
Philippe le Bel tentent, sans grand succès, de revenir à
une meilleure monnaie. Ils travaillent surtout à réduire
la place des monnayages féodaux. Un reflux des cours des métaux,
en 1329, permet à Philippe VI de Valois (1328-1350) de stabiliser
les cours, puis de rétablir une bonne monnaie. Mais le déclenchement
d'un conflit généralisé entre la France et l'Angleterre
sur le sol français, la peste, les défaites et les crises
politiques et sociales mettent à bas tous ces efforts.
Les mutations monétaires ont recommencé au début
de 1337, quelques mois avant le début officiel de la guerre franco-anglaise,
et s'amplifient après les défaites militaires. Pas moins
de 85 mutations sont effectuées entre 1337 et 1360 ! Spectaculaires
et choquantes, ces opérations sont très mal vécues
par la population et provoquent l'indignation des acteurs économiques.
L'administration royale et sa monnaie sont ouvertement contestées.
À la suite d'une échauffourée avec des pillards,
un soulèvement de paysans se propage autour de Paris, en Champagne
et en Normandie. Révoltés par des années de disette
et de soumission, les paysans brûlent et pillent les châteaux
avec une extrême violence. À peine la Jacquerie est-elle
écrasée que le prévôt des marchands, Étienne
Marcel, soulève Paris contre le Dauphin Charles, régent
du royaume durant la captivité du roi son père. Charles
restaure difficilement son autorité sur la capitale quand une armée
anglaise débarque à Calais. La France est exsangue, en crise
politique, économique et sociale. L'arrêt de la guerre est
devenu indispensable, sans parler de la libération du roi. La paix
est conclue à Brétigny le 8 mai 1360 contre des concessions
territoriales considérables et une rançon de 3 millions
d'écus... soit 12,5 tonnes d'or !
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Les périodes de guerre
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Le Moyen Âge fut une période
belliqueuse. Toutefois, la plupart des foyers de conflits étaient
circonscrits à de petits territoires, opposant généralement
des puissances locales soutenues par des armées de métier.
La majorité de ces guerres ne faisaient que peu de victimes parmi
les populations.
L'Église a beaucoup lutté pour limiter le temps des combats.
Dès le XIe siècle, la trêve
de Dieu impose l'arrêt des hostilités entre le premier dimanche
de l'Avent et l'Épiphanie, entre le premier jour du carême
et l'Ascension, et, durant toute l'année, entre le mercredi soir
et le lundi matin. Philippe Auguste instaure de plus, à partir
du XIIIe siècle, la "quarantaine
du Roi" qui oblige à attendre quarante jours après
une déclaration de guerre pour lancer les hostilités.
Par son ampleur, sa durée, les troubles économiques qui
l'ont accompagnée, la guerre de Cent Ans a marqué les esprits.
C'est la succession du trône de France, laissé vacant en
1328 par la mort sans héritier de Charles IV (1322-1328), fils
de Philippe le Bel et dernier des Capétiens mâles en ligne
directe, qui est à l'origine de la guerre de Cent Ans. Deux prétendants
sont alors en lice : Philippe de Valois, le plus proche héritier
de la lignée masculine, et le roi d'Angleterre Édouard III
(1327-1377), petit-fils de Philippe le Bel par sa mère. Arguant
une prétendue loi franque, dite "salique", qui excluait
de la succession au trône de France la descendance par les femmes,
Philippe de Valois devient donc roi de France sous le nom de Philippe
VI. Édouard III, qui possède la Guyenne, doit lui faire
allégeance pour ce fief français. Mais Philippe VI lui dispute
cette province et l'annexe en 1337 : commencent alors cent seize années
de conflits qui feront alterner des périodes de combats et de trêve. |
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Les premières années de
guerre sont désastreuses pour le royaume de France qui enchaîne
les défaites militaires. Dès 1340, la flotte française
est anéantie dans le port de L'Écluse, en Flandre, laissant
à l'Angleterre la maîtrise de la mer. Malgré la supériorité
numérique des Français, les fantassins et les archers anglais
écrasent les cavaliers français à Crécy en
1346. La défaite est totale. Édouard III fait alors le siège
de Calais. Après onze mois de résistance, la ville capitule
et devient possession anglaise durant près de deux siècles.
Loin d'offrir un répit aux campagnes dévastées par
les Anglais, les périodes de trêve aggravent encore la situation
du royaume. Les soldats démobilisés s'organisent en bandes
pour piller les villages et sèment la terreur dans toutes les provinces.
Entre 1347 et 1351, une terrible épidémie de peste s'abat
sur la France et décime en quelques années une population
aux abois.
En 1355, le fils d'Édouard Ill, le prince de Galles dit le Prince
Noir (1330-1376), débarque à Bordeaux avec ses troupes.
Il dévaste toute la région jusqu'à Narbonne, puis
le Languedoc, et oblique vers le nord pour une nouvelle expédition.
En septembre 1356, l'armée du roi Jean le Bon, successeur de Philippe
VI, tente de l'arrêter près de Poitiers. Le désastre
est tel que le roi de France lui-même se trouve prisonnier. Il ne
sera libéré que contre une lourde rançon.
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Les croisades
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Pèlerinage armé,
la "croisade" fait la synthèse entre le "pèlerinage
à Jérusalem" – lequel vaut rémission des
péchés – et la "guerre juste" contre les
ennemis de l'Église, qui apparaît comme une contrepartie
de la "paix de Dieu". Pour le pape, c’est aussi le moyen
de rassembler sous la bannière de l’Église la chevalerie
d’Occident et d’imposer sa prééminence sur toute
la chrétienté. Huit croisades se sont succédé
entre 1095 et 1270, engageant plusieurs centaines de milliers de chrétiens.
À partir du XIe siècle, à
l’appel du pape Urbain II, dans une forte attente de la fin des
temps, les foules se mettent en marche, mues par le désir puissant
d'être à Jérusalem au moment de l’avènement
du royaume de Dieu.
En outre, le sentiment religieux anti-musulman croît régulièrement
depuis qu’au VIIIe siècle l’Espagne
est tombée aux mains de l’Islam. Au milieu du IXe
siècle, les chrétiens ont lancé une contre-offensive
qui n’a pas empêché la formation, au Xe
siècle, d’un immense califat sous l’autorité
de l’émir de Cordoue. Au tout début du XIe
siècle, ce califat, affaibli, est morcelé en petits royaumes,
facilitant la reconquête chrétienne. |

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Quand le pape Urbain II
appelle la chevalerie française à la croisade outre-mer,
la mobilisation dépasse ses espérances.
Les premiers à partir sont des pauvres ; ils prennent la route
sans préparation, sous la houlette de Pierre l’Ermite, un
prédicateur fanatique, et de Gautier Sans Avoir, un chevalier démuni
et violent, qui les conduisent par voie de terre sur la route de Jérusalem.
Ils n’attendent pas d’être parvenus en Terre sainte
pour donner libre cours à leur furie religieuse et se rendre coupables
de massacres de juifs. Ils débordent la chevalerie, qui a besoin
de temps pour effectuer les préparatifs économiques et militaires
d’un départ outre-mer. Celle-ci est plus organisée,
encadrée par une papauté nouvellement réformée
et qui découvre qu’elle peut unifier la chrétienté
de l’Occident autour d’un grand projet.
Comme ils appartiennent à une société féodale,
privilégiant les rapports familiaux et les relations d’homme
à homme, beaucoup d’entre eux partent avec les membres de
leur famille et même leurs familiers, chambellans, etc. Les frères
emmènent leurs sœurs, les époux leurs femme et enfants.
Les motivations des "croisés" – ainsi les appellera-t-on
plus tard parce qu’ils cousent une croix de tissu sur leurs habits
– sont complexes et variées. Au premier plan, une foi irréfléchie,
intime et violente, fondée sur l’idée forte qu’ils
vont contribuer à l’instauration définitive du royaume
de Dieu sur Terre. Les croisés ignorent tout de la Terre sainte.
Ils voient dans les peuples musulmans les ennemis du Christ, alors que
ces derniers vénèrent Jésus – non comme Dieu
mais comme prophète – et considèrent eux aussi Bethléem
et Jérusalem comme des hauts lieux de leur foi, auxquels ils ne
manquent pas de se rendre en pèlerinage, comme les chrétiens.
Convaincus d'aller délivrer le tombeau du Christ, qui leur était
pourtant demeuré accessible, moyennant une taxe il est vrai, les
croisés ne craignent pas la mort : le combat contre les Infidèles
leur vaut l’indulgence plénière (autrement dit le
paradis) et rien n’est plus beau aux yeux des chrétiens que
d’être inhumé dans la ville même où le
Christ est mort et ressuscité : à Jérusalem, au mont
des Oliviers... Ce seul destin justifierait leur sacrifice. Un pèlerin
du début du XIIIe siècle ayant
laissé un récit de son voyage le dit bien : "Moi, Thietmar,
pour le pardon de mes péchés, je me suis armé du
signe de la croix et ai quitté ma maison, en pèlerin, avec
mes compagnons. Je suis parvenu à Acre après avoir couru,
sur mer et sur terre, des dangers qui semblaient bien menaçants
à ma fragilité, mais bien minimes en comparaison de la récompense
divine."
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