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Après la bouillie, le pain devient
peu à peu, grâce au progrès de la mouture et des moulins,
le cœur de l'alimentation médiévale ; il est accompagné
de vin et de viande. Les légumes sont plutôt réservés
aux paysans, dans la réalité comme dans l'imaginaire. Les
aliments n'ont en effet pas tous la même valeur culturelle : on
les classe à l'intérieur d'une hiérarchie héritée
de l'Antiquité qui mène du ciel à la terre.
Dans un univers que les philosophes conçoivent comme ordonné
verticalement, les aliments sont hiérarchisés selon leur
plus ou moins grande proximité avec le ciel. Tout en haut de cette
échelle de valeur figurent les oiseaux qui se meuvent dans l'air,
le plus élevé des quatre éléments. Tout en
bas, on trouve les plantes qui viennent de la terre. Encore faut-il bien
distinguer entre les feuilles poussant sur une tige, tels choux ou pois,
et celles qui partent de la racine (épinards, salades). Les racines
elles-mêmes, comme carottes et raves, viennent seulement ensuite
car elles poussent sous la terre, ainsi que les bulbes – oignon,
poireau et ail – qui sont de loin les aliments les plus méprisés.
Cette hiérarchie se vérifie dans les comptes alimentaires
et est justifiée par les médecins. Les élites consomment
ainsi beaucoup de volatiles et aussi des fruits, qui poussent sur des
arbres en hauteur et conviennent donc parfaitement aux classes élevées
de la société. En revanche, elles s'abstiennent à
peu près complètement de légumes, laissés
aux paysans. Pour les cas délicats, tels la fraise ou le melon,
les médecins recommandent la plus grande prudence.
La cuisine est l'affaire des femmes dans les milieux populaires. Mais,
dans les vastes cuisines spécialisées des seigneurs et des
princes, un univers très hiérarchisé d'hommes veille
à l'approvisionnement et à la préparation des repas
pour une maisonnée nombreuse.
Dans un monde qui, aux XIVe et XVe siècles,
est souvent tenaillé par la faim, les châteaux et les somptueux
palais urbains de l'aristocratie apparaissent comme autant d'îlots
de goinfrerie. Manger plus et manger mieux sont en effet des privilèges
de ce groupe social qui trouve dans les événements les plus
variés de nombreuses occasions de festins.
Les miniaturistes nous convient aux tables médiévales. Comme
ils travaillent pour les princes, pour les puissants ou les catégories
sociales les plus aisées, c'est sur des tables riches, véritables
mises en scène de la nourriture, que s'attarde leur regard et bien
rares sont les paysans attablés dans les enluminures, à
l'exception de ceux que l'on trouve dans les bibles et les calendriers.
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