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Le poids de la religion
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La religion imprègne en profondeur la société
médiévale. Le roi est sacré et tient son pouvoir
de Dieu. L'Église s'efforce de concentrer dans ses mains tous les
savoirs et les enseignements. Elle assiste les malades et les prisonniers,
recueille les enfants abandonnés et vient au secours des pauvres.
Les fêtes religieuses rythment le calendrier des travaux et des
jours. Malgré des routes souvent peu sûres, nombreux sont
ceux qui prennent leur bâton de pèlerin pour se rendre à
Jérusalem, à Saint-Jacques-de-Compostelle ou, plus près,
à Saint-Martin de Tours ou Vézelay.
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Un roi très chrétien
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Le 25 décembre 498 selon la tradition,
Clovis se fait baptiser ; le pouvoir, lié jusqu'alors à
des origines familiales (appartenance à la famille de Mérovée)
et à des capacités militaires (le roi doit être un
chef de guerre), bascule dans la sphère du sacré.
Pépin le Bref, en 754, usurpant le pouvoir aux Mérovingiens,
légitime son acte en se faisant sacrer une première fois
par l'évêque Boniface, puis par le pape Étienne II.
De même, quand Hugues Capet, élu par ses pairs à la
dignité royale, met fin à la dynastie carolingienne, il
est sacré à la cathédrale de Reims.
Désormais la cérémonie du sacre donne lieu à
un rituel extrêmement codifié, un ordo, qui sera
plusieurs fois remanié par des rois soucieux de garantir ainsi
leur légitimité.
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Une représentation chrétienne du
monde
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En Occident, les mappemondes médiévales
héritent des représentations antiques partiellement conservées,
et reflètent la manière dont la chrétienté
conçoit l'évolution historique et la localisation de l'humanité.
Conformes à la division tripartite du monde dans l'Antiquité
– Asie, Libye (Afrique) et Europe – , elles y superposent
le partage réalisé après le Déluge entre les
fils de Noé : l'Asie des hommes libres ou des prêtres
pour Sem, l'Afrique des esclaves ou des travailleurs pour Cham, l'Europe
des guerriers pour Japhet. Cette référence biblique permet
d'embrasser l'humanité entière dans ses divisions ethniques
et sociales. Le schéma géométrique dit en "T.O."
se trouve dans des manuscrits dès le VIIIe siècle
: le cercle des terres habitées rassemble les trois continents
inscrits dans le O de l'anneau océanique, séparés
par le T formé avec la Méditerranée pour montant
et l'axe Nil-Tanaïs (Don) comme barre.
La vision cosmique de la Terre s'inscrit dans une perspective spirituelle
et théologique fondamentale. Le centre de l'univers ne peut être
que la Terre où Adam et Ève ont vécu, où le
Christ s'est incarné et a subi la Passion. La carte est dessinée
avec l'Orient et le paradis terrestre en haut ; elle est complétée
parfois par la figure du Christ dont la tête apparaît à
l'est, les pieds à l'ouest, et les mains au nord et au sud, pour
mieux montrer qu'elle est représentation spirituelle de la chrétienté,
donc de Jésus incarné parmi les hommes. Cette orientation
lui donne sa signification profonde, renforcée par l'indication
de son centre géométrique et spirituel, Jérusalem,
qui acquiert une valeur particulière dans le contexte de la croisade,
à partir du XIIe siècle. L'emplacement
du Saint-Sépulcre avec le tombeau du Christ ressuscité en
fait "l'ombilic de la Terre habitable" ; c'est de là,
à égale distance du paradis terrestre à l'est –
au commencement du temps et de l'espace – et de l'Occident –
où se dressent les colonnes d'Hercule, signes de l'extrémité
de la terre habitée –, qu'a été diffusé
le message divin.
Dévoilement de la puissance divine, la mappemonde en T.O. est à
la fois un schéma géographique, de plus en plus complexe,
et un objet de méditation spirituelle. C'est aussi un récit
de l'histoire du salut, inscrit dans la linéarité de l'espace
et du temps, depuis l'Orient, lieu de la naissance édénique
de l'humanité, jusqu'à l'Occident de la mort et de la fin
des temps, en passant par l'événement central de l'incarnation
et de la rédemption.
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Le temps des cathédrales
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La période médiévale est l'âge
d'or de l'architecture religieuse. À partir du XIIe siècle,
les formes ramassées et arrondies de l'art roman font place à
l'architecture élancée et lumineuse des cathédrales
de l'art "français", appelé aujourd'hui "gothique".
L'initiative en revient à Suger, abbé de Saint-Denis où
sont enterrés les rois de France. Il veut mettre en valeur les
nombreuses reliques rassemblées dans son abbaye et fait détruire
l'ancienne église carolingienne pour la remplacer par un chœur
percé de vastes fenêtres inondant les reliques de lumières.
En 1144, pour l'inauguration du nouveau chœur, il invite le roi,
les pairs du royaume et tous les évêques de France. Chacun
n'aura de cesse de se faire construire une cathédrale plus belle
et toujours plus élancée jusqu'à ce qu'en 1284, la
voûte de la cathédrale de Beauvais s'écroule…
L'architecture gothique s'affirme jusqu'au XVe siècle,
mobilisant d'énormes moyens financiers et humains. Parallèlement,
la statuaire, la peinture murale et la sculpture sur bois atteignent des
sommets de raffinement.
Auberge de Dieu, la cathédrale sert de refuge à une population
de mendiants ou de voyageurs ; vide de chaises, on y déambule
librement, on y parle à voix haute ; certains métiers
y tiennent réunion pendant que les étudiants y suivent un
cours. Les clercs y organisent des mises en scène de l'histoire
du Christ qui quitteront bientôt l'intérieur de l'église
pour le parvis. À travers mystères et passions, naît
ainsi, en France, le théâtre.
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Le savoir aux mains de l'Église
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Durant tout le Moyen Âge, l'Église est,
avec les princes, le principal commanditaire des artistes et des artisans ;
elle a le monopole de l'instruction et contrôle les grands domaines
du savoir.
En 789, Charlemagne ordonne que les évêques et les abbés
ouvrent des écoles pour enseigner les psaumes, le chant, le calendrier
religieux et la grammaire. Mais la décision de Charlemagne se met
lentement en place et, à l'effondrement du pouvoir central au Xe siècle,
ne subsistent que les écoles monastiques. Les élèves
qui suivent cet enseignement apprennent à écrire sur des
tablettes de cire, à lire le latin, assimilent la grammaire à
partir des textes des pères de l'Église et des rudiments
de calcul en se servant de leurs doigts. À partir du XIe
et surtout du XIIe siècle, on assiste
à un nouveau développement de l'école. Les écoles
monastiques disparaissent au profit d'écoles urbaines : écoles
cathédrales, écoles canoniques et écoles privées.
La multiplication de ces écoles fait des maîtres et des étudiants
un nouveau groupe social qui tend à s'organiser. C'est ainsi que
naissent au XIIIe siècle les universités.
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Une lente laïcisation
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Dans l'histoire de la civilisation occidentale, un
tournant décisif se produit au XIIe siècle
lorsque, dans la chrétienté, la raison commence à
concurrencer la foi, le souci de vérité à empiéter
sur la croyance, et que les meilleurs esprits, bravant le dogme de la
chute originelle de l'homme, aperçoivent pour lui la possibilité
d'un progrès matériel et moral. Les signes les plus visibles
de ce changement fondamental de mentalité sont dans le renouveau
d'une économie marchande et monétaire, qui bouleverse les
conditions d'existence, dans l'affirmation des libertés urbaines,
l'essor des pouvoirs monarchiques et la naissance des administrations.
Ils sont aussi dans la succession rapide des inventions utiles : moulins
à propulsions diverses, ponts articulés, horloge mécanique,
boussole, gouvernail d'étambot, canon et lettre de change. Mais
les signes les plus profonds se manifestent dans le renouvellement des
supports et des expressions de la pensée.
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L'art du livre
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Pendant toute la première partie
du Moyen Âge, le livre reste le monopole des églises et des
monastères. La majorité des livres sont des textes religieux
ou des recueils de textes antiques à usage didactique, écrits
en latin. À partir de la seconde moitié du XIIe siècle,
l’essor des villes puis des universités entraîne une
demande croissante de livres en langue vernaculaire. De nouvelles structures
de production du livre se développent sous le contrôle étroit
des autorités universitaires : une organisation du travail
se met en place qui partage entre de nombreux scribes les différents
cahiers du modèle, l’exemplar, pour en assurer plus
rapidement la copie.
Autour d’un nouveau personnage, le libraire, gravitent parcheminiers,
copistes, enlumineurs et relieurs. Désormais laïcs, les métiers
du livre connaissent à partir du XIVe siècle
un remarquable épanouissement lié à l’essor
du mécénat princier. Les rois, imités par l’aristocratie,
encouragent auteurs et traducteurs en distribuant pensions et récompenses
et passent commande de manuscrits somptueux.
L’enlumineur est guidé dans son travail par un programme
iconographique qui lui est signifié sous forme d’indications
écrites ou d’esquisses à la mine de plomb, destinées
à être effacées avant la remise de l’ouvrage
au destinataire. Celles qui ont échappé au grattoir du libraire
constituent un témoignage précieux pour la connaissance
des méthodes de fabrication du livre au Moyen Âge.
Seuls les très grands artistes peuvent échapper à
l’empire des modèles et procéder parfois à
une libre relecture des textes.
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