Saint-Pétersbourg : Vue de l'ancien Palais d'hiver
1780.
BnF, département des Estampes et de la Photographie, LI-72 (4)-FOL
© Bibliothèque nationale de France
« Dans la gaîté de ce repas, j'ai goûté un échantillon de l'esprit du pays. Fecundi calices quem non fecere disertum [Quel est celui que les coupes nombreuses ne rendirent pas éloquent ?] N'entendant pas le russe, M. Zinovioff qui était à mon côté m'expliquait toutes les saillies des convives après lesquelles succédaient les applaudissements. On brillait le verre à la main, portant une santé à quelqu'un qui à son tour devait briller en la rendant.
Milissimo se leva, tenant à la main un grand gobelet rempli de vin de Hongrie. Tout le monde se tut pour entendre ce qu'il allait dire. Il porta la santé à son général Orlow qui était vis-à-vis de lui à l'autre bout de la table. Voilà ce qu'il lui dit :
― Puisses-tu mourir le jour que tu te trouveras riche.
L'applaudissement fut général. Il faisait l'éloge de la grande générosité de M. Orlow. On aurait pu le critiquer, mais en bruyante compagnie on n'y regarde pas de si près. La réponse d'Orlow me parut plus sage et plus noble quoique également tartare, car il y avait aussi question de mourir. Se levant aussi, tenant à la main un grand gobelet :
― Ne puisses-tu mourir, lui dit-il, que par mes mains.
Claquement de mains beaucoup plus forts.
L'esprit des Russes est énergique et frappant. Ils ne se soucient d'adresse ni de tournure ; ils vont violemment au fait. » (Histoire de ma vie, III, p. 417.)
 
 

> partager
 
 

 
 

 
> copier l'aperçu