Début de la préface
Histoire de ma vie
Giacomo Casanova (1725-1798), auteur, Dux, 1789-1798.
BnF, département des Manuscrits, NAF 28604 (1), fol. 1
© Bibliothèque nationale de France
Succédant à une première version qui s’intitulait « Histoire de mon existence » et qui est conservée aux Archives de Prague, cette préface est plus vivante, moins philosophique que l’état qui précède. Le titre montre que Casanova a désormais décidé de poursuivre la rédaction de ses mémoires au-delà du terme de 1772 ; il en restera toutefois à l’année 1774.

Transcription du texte :

« Histoire de ma vie jusqu'à l'an 1797
Necquicquam sapit qui sibi non sapit.
Cic : ad Treb : (1)

Préface
Je commence par déclarer à mon lecteur que dans tout ce que j'ai fait de bon ou de mauvais dans toute ma vie, je suis sûr d'avoir mérité ou démérité, et que par conséquent je dois me croire libre. La doctrine des Stoïciens, et de toute autre secte sur la force du Destin est une chimère de l'imagination qui tient à l'athéisme. Je suis non seulement monothéiste, mais chrétien fortifié par la philosophie, qui n'a jamais rien gâté.
Je crois à l'existence d'un DIEU immatériel créateur, et maître de toutes les formes ; et ce qui me prouve que je n'en ai jamais douté, c'est que j'ai toujours compté sur sa providence, recourant à lui par le moyen de la prière dans toutes mes détresses ; et me trouvant toujours exaucé. Le désespoir tue : la prière le fait disparaître ; et après elle l'homme confie, et agit. Quels que soient les moyens, dont l'être des êtres se sert pour détourner les malheurs imminents sur ceux qui implorent son secours, c'est une recherche au-dessus du pouvoir de l'entendement de l'homme, que dans le même instant qu'il contemple l'incompréhensibilité de la providence divine, se voit réduit à l'adorer. Notre ignorance devient notre seule ressource ; et les vrais heureux sont ceux qui la chérissent. Il faut donc prier DIEU, et croire d'avoir obtenu la grâce, même quand l'apparence nous dit que ne l'avons pas obtenue. Pour ce qui regarde la posture du corps dans laquelle il faut être quand on adresse des vœux au créateur, un vers du [Pétrarque nous l'indique : Con le ginocchia delle mente inchine. (2)
L'homme est libre ; mais il ne l'est pas s'il ne croit pas de l'être, car plus il suppose de force au Destin plus il se prive de celle que DIEU lui a donnée quand il l'a partagé de la raison.] »

(1) « C'est ne rien connaître que ne connaître pas pour son profit personnel. » Citation erronée, d'après Cicéron à Trébatius.
(2) « Il faut incliner l'âme et les genoux. »
 
 

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