Un capitaine et un usurier
Le Diable boiteux
Lesage (1668-1747), auteur ; Tony Johannot, illustrateur ; E. Bourdin, éditeur, Paris, 1840.
BnF, Réserve des livres rares, RES-Y2-1028
© Bibliothèque nationale de France
Asmodée, le diable boiteux, amène Cléofas sur la plus haute tour de la ville, et soulève le toit des maisons, ce qui fait du jeune homme un voyeur témoin de la vie intime des habitants. Il s’agit au début du chapitre VII d’un capitaine en mal d’argent qui fait appel à un usurier aux mœurs particulières, il se rend à l’office chaque matin avant de commencer sa journée.
« Quelque impatience qu’eût l’officier de toucher son argent, il lui a fallu céder à la règle du pieux Sanguisuela : il s’est armé de patience, et même, comme s’il eût craint que les ducats ne lui échappassent, il a suivi l’usurier à l’église. Il a entendu la messe avec lui ; après cela, il se préparait à sortir ; mais Sanguisuela, s’approchant de son oreille, lui a dit : “Un des plus habiles prédicateurs de Madrid va prêcher ; je ne veux pas perdre son sermon.” Le capitaine, à qui le temps de la messe n’avait déjà que trop duré, a été au désespoir de ce nouveau retardement : il est pourtant encore demeuré dans l’église. Le prédicateur paraît, et prêche contre l’usure. L’officier en est ravi, et, observant le visage de l’usurier, dit en lui-même : “Si ce juif pouvait se laisser toucher ! S’il me donnait seulement six cents ducats, je partirais content de lui.” Enfin le sermon finit ; l’usurier sort. Le capitaine le joint, et lui dit : “Hé bien, que pensez-vous de ce prédicateur ? Ne trouvez-vous pas qu’il a prêche avec beaucoup de force ? Pour moi, j’en suis tout ému. — J’en porte même jugement que vous, répond l’usurier ; il a parfaitement traité sa matière ; c’est un savant homme ; il a fort bien fait son métier : allons-nous-en faire le nôtre.” » (Le Diable boiteux, chapitre VII)
 
 

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