Victorin prenant son vol
La découverte australe par un homme volant ou le Dédale français
Nicolas Edmé Restif de la Bretonne (1734-1806), auteur, 1781.
Estampe, taille douce
BnF, département des Estampes et de la photographie, FOL-IB-4 (2)
© Bibliothèque nationale de France
Pressentie par les Grecs, imaginée par Marco Polo, qui la disait riche, la Terre australe demeure un objet de fantasmes. Sur les cartes, elle figure comme un continent qui équilibre le globe. Ce « vide » géographique, nommé Terra Australis Incognita, est investi par des productions littéraires plus ou moins utopiques. Au XVIIe siècle, cette quête stimule les explorations. L’Espagnol Luis Vaez Torres longe la Nouvelle-Guinée et frôle l’Australie. Venant du Cap, des navigateurs hollandais abordent par l’ouest l’Australie, terre baptisée Nova Hollandia, et dessinent les contours de l’île dès 1655. Mais le mythe persiste. Ce n’est qu’à partir de 1766 que les voyages de l’explorateur et cartographe anglais James Cook permettront d’établir un relevé détaillé des nombreuses îles et côtes de la région australe.
Dans La découverte australe par un homme volant de Rétif de la Bretonne, Victorin explore non pas les terres australes réelles décrites par le capitaine Cook, mais des terres imaginaires, utopiques, appelées la « Mégapatagonie ». Il s’y rend non en bateau mais en volant, grâce à un engin fabriqué de ses propres mains, qui lui donne l’air de marcher dans les airs : « Une large et forte courroie, qu’il avait fait préparer au Bourrelier, lui ceignait les reins ; deux autres plus petites, attachées à des brodequins, lui garnissaient latéralement chaque jambe et chaque cuisse, puis venaient passer dans une boucle de cuir, fixée à la ceinture des reins ; deux bandes fort larges se continuaient le long des côtes, et joignaient un chaperon, qui garnissait les épaules par quatre bandes, entre lesquelles passaient les bras. Deux fortes baleines mobiles, dont la base était appuyée sur les brodequins, pour que les pieds pussent les mettre en jeu, se continuaient sur les côtés, assujettis par de petits anneaux de bois huilés, et montaient au-dessus de la tête, afin que le taffetas des ailes se prolongeât jusque-là. Les ailes, attachées aux deux bandes latérales extérieures, étaient placées de façon qu’elles portaient l’Homme dans toute sa longueur, y compris la tête et la moitié des jambes. Une sorte de parasol très pointu, et qui dans son extension, était retenu par dix cordons de soie, servait à faire avancer, à aider à lever la tête, ou à prendre une situation tout à fait perpendiculaire. Comme l’Homme-volant devait pouvoir faire usage de ses deux mains, le ressort qui donnait le mouvement aux mailes était mis en jeu par deux courroies qui passaient sous la plante de chaque pied, de sorte que pour voler, il fallait faire le mouvement ordinaire de la marche, mouvement qui par conséquent pouvait s’accélérer et se ralentir à volonté. »