Bédouines syriennes
Félix Bonfils (1831-1885), photographe, vers 1880.
Papier albuminé d'après négatif sur verre au collodion (22 x 28 cm)
BnF, département des Estampes et de la Photographie, EO-128 (2)-FOL
© Bibliothèque nationale de France
« Le poème d’Antar est, comme je viens de le dire, la poésie nationale de l’Arabe errant ; ce sont les livres saints de son imagination. Combien d’autres fois encore n’ai-je pas vu des groupes de mes Arabes, accroupis le soir autour du feu de mon bivouac, tendre le cou, prêter l’oreille, diriger leurs regards de feu vers un de leurs compagnons qui leur récitait quelques passages de ces admirables poésies, tandis qu’un nuage de fumée s’élevant de leurs pipes formait au-dessus de leurs têtes l’atmosphère fantastique des songes, et que nos chevaux, la tête penchée sur eux, semblaient eux-mêmes attentifs à la voix monotone de leurs maîtres. Je m’asseyais non loin du cercle et j’écoutais aussi, bien que je ne comprisse pas ; mais je comprenais le son de la voix, le jeu des physionomies, les frémissements des auditeurs je savais que c’était la poésie et je me figurais des récits touchants, dramatiques, merveilleux, que je me récitais à moi-même. C’est ainsi qu’en écoutant de la musique mélodieuse ou passionnée, je crois entendre les paroles, et que la poésie de la langue chantée me révèle et me parle la poésie de la langue écrite ; faut-il même tout dire : je n’ai jamais lu de poésie comparable à cette poésie que j’entendais dans la langue inintelligible pour moi de ces Arabes ; l’imagination dépassant toujours la réalité, je croyais comprendre la poésie primitive et patriarcale du désert ; je voyais le chameau, le cheval, la gazelle, je voyais l’oasis dressant ses têtes de palmiers d’un vert jaune au-dessus des dunes immenses de sable rouge, les combats des guerriers et les jeunes beautés arabes enlevées et reprises parmi la mêlée et reconnaissant leurs amants dans leurs libérateurs .»

3 novembre 1832, Lamartine, Voyage en Orient, 1835
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