Dolmen où m'a parlé la bouche d'ombre
Victor Hugo (1802-1885), auteur.
Plume et pinceau, encre brune et lavis, fusain, zones frottées sur papier beige (249 x 291 mm)
Paris, Maison de Victor Hugo, MVHP D 0136
© Maisons de Victor Hugo / Roger-Viollet
En exil à Jersey de 1852 à 1855, Victor Hugo réside dans la propriété de Marine Terrace, maison que l'on disait hantée, alors que la plage de Jersey était visitée par des fantômes. Le décor était planté pour faire bon accueil à la l'épidémie de spiritisme qui, venue des États-Unis, ne cessait de se répandre en Europe. Arrivée à Marine Terrace le 6 septembre 1853, Delphine de Girardin initie le cercle hugolien au spiritisme autour d'une « Table », et après des premières tentatives échouées, le 11 septembre, la Table tressaille enfin : les premières révélations bouleversent l'assistance persuadée que c'est Léopoldine qui s'exprime par la Table. Les séances vont se poursuivre pendant près de deux ans et viennent tour à tour s'exprimer Machiavel, Rousseau, Shakespeare... La convergence entre les propos de la Table et l'œuvre d'Hugo est telle que le poète doit bientôt protéger sa création, renonçant à assister à une séance où Shakespeare dicte un drame proche de La Forêt mouillée qu'il a alors en chantier. La Table demande à Hugo de reprendre la rédaction des Misérables, et d'écrire un poème : ce sera « Ce que dit la bouche d'ombre » :

« L'homme en songeant descend au gouffre universel.
J'errais près du dolmen qui domine Rozel ;
À l'endroit où le cap se prolonge en presqu'île.
Le spectre m'attendait, l'être sombre et tranquille
Me prit par les cheveux dans sa main qui grandit,
M'emporta sur le haut du rocher, et me dit ;
Sache que tout connaît sa loi, son but, sa route ;
Que tout a conscience en la création ;
Que, de l'astre au ciron l'immensité s'écoute ;
Et l'oreille pourrait avoir sa vision,
Car les choses et l'être ont un grand dialogue. »

Victor Hugo, Les Contemplations, « Ce que dit la bouche d'ombre », T.2, VI, XXVI.
> Texte intégral dans Gallica : Paris, W. Gerhard, 1856.

Jersey possède un très riche passé néolithique, et Victor Hugo s'était intéressé aux nombreux dolmens. Celui qui est représenté ici semble être celui du Faldouet près de Saint Martin, au-dessus de la baie du Rozel.
 
 

> partager
 
 
 

 
> copier l'aperçu