Originaire de Mâcon, Lamartine reste très attaché à sa terre natale. En 1820, en cadeau de mariage, son père lui offre le château de Saint-Point dans la vallée du même nom. Lamartine y séjourne régulièrement avec sa famille jusqu’à sa mort. La région sert de cadre à son « roman rustique »,
Le Tailleur de pierre de Saint-Point (1851).
« Au pied de la colline courent des prairies bordées d'aunes, de cerisiers et de gros noyers. On aperçoit à travers les troncs de ses arbres les murs, les toits et le pont rustique d'un village bâti à l'ombre du château et composé de quinze ou vingt maisonnettes de laboureurs, de métayers ou de petits marchands de denrées rustiques, toujours groupés autour de l'église des hameaux. Ces vieilles tours, minées à leur base par le temps, qui les a fait craquer et se fendre sous le poids, décapitées à leurs sommets de la flèche qui les élevait jadis dans le ciel, et ne servant plus aujourd'hui qu'à flanquer un lourd massif carré de pierre brute, percé d'un escalier tournant et de quelques chambres voûtées, voilà ma demeure. J'ai semé des gazons, j'ai tracé des allées sablées dans les bosquets de noisetiers qui l'entourent ; j'ai enfermé dans une enceinte de murs quelques arpents de terre et de prés qui suivent les ondulations et les caprices de la colline j'ai préservé de la faux ou de la hache du fermier quelques grands arbres dont les rameaux m'ont remercié en s'étendant sur mes pelouses. J'ai percé quelques portes et quelques fenêtres dans les murs de cinq pieds d'épaisseur du vieux manoir ; j'ai attaché à la façade principale une galerie massive de pierres sculptées sur le modèle des vieilles balustrades gothiques d'Oxford. C'est sur cette galerie que les hôtes de la maison se promènent le matin au soleil levant ou s'assoient le soir, à l'ombre immense des tours, sur le pré en pente. On y attache à des clous les cages des oiseaux les chiens s'y couchent à nos pieds sur les dalles tièdes des paons familiers, qui peuplent les jardins, à qui nous émiettions du pain dans leur enfance et qui s'en souviennent, perchent jour et nuit sur le parapet de la balustrade, leur queue brillant au soleil et flottant au vent. Ils bordent d'une rangée de cariatides vivantes cette lourde galerie de pierres, comme les cigognes forment des créneaux vivants de leur blanc plumage au bord des toits des villages de l'Asie. La vue s'étend de là, en descendant et en remontant, sur la plus belle partie de la vallée de Saint-Point. »
Alphonse de Lamartine,
Le Tailleur de pierre de Saint-Point.
>Texte intégral dans Gallica : Paris, 1863