Alexandre Dumas (1802-1870), auteur ; Maurice Leloir (1853-1940), dessinateur ; Jules-Jean-Marie-Joseph Huyot (1841-1921), graveur ; Calmann Lévy, éditeur, Paris, 1894.
2 vol., gr. in-8
Le lecteur découvre le jeune D’Artagnan dans une tenue incongrue. Pourtant, certains indices laissent deviner le rôle que jouera le jeune homme.
« Un jeune homme... traçons son portrait d'un seul trait de plume : figurez- vous don Quichotte à dix-huit ans ; don Quichotte décorselé, sans haubert et sans cuissards ; don Quichotte revêtu d'un pourpoint de laine dont la couleur bleue s'était transformée en une nuance insaisissable de lie de vin et d'azur céleste. Visage long et brun ; la pommette des joues saillante, signe d'astuce ; les muscles maxillaires énormément développés, indice infaillible auquel on reconnaît le Gascon, même sans béret, et notre jeune homme portait un béret orné d'une espèce de plume ; l'œil ouvert et intelligent ; le nez crochu, mais finement dessiné ; trop grand pour un adolescent, trop petit pour un homme fait, et qu'un œil peu exercé eût pris pour un fils de fermier en voyage, sans la longue épée qui, pendue à un baudrier de peau, battait les mollets de son propriétaire quand il était à pied, et le poil hérissé de sa monture quand il était à cheval.
Car notre jeune homme avait une monture, et cette monture était même si remarquable, qu'elle fut remarquée : c'était un bidet du Béarn, âgé de douze ou quatorze ans, jaune de robe, sans crins à la queue, mais non pas sans javarts aux jambes, et qui, tout en marchant la tête plus bas que les genoux, ce qui rendait inutile l'application de la martingale, faisait encore également ses huit lieues par jour. Malheureusement les qualités de ce cheval étaient si bien cachées sous son poil étrange et son allure incongrue, que dans un temps où tout le monde se connaissait en chevaux, l'apparition du susdit bidet à Meung, où il était entré il y avait un quart d'heure à peu près par la porte de Beaugency, produisit une sensation dont la défaveur rejaillit jusqu'à son cavalier. »
Alexandre Dumas,
Les Trois Mousquetaires, 1844.
>Texte intégral dans Gallica : Paris, Fellens et Dufour, 1846