Ruines de l'abbaye de La Victoire
Près de Senlis
J. Georges, dessinateur, 1835.
Aquarelle ; 27,1 x 44,5 cm
BnF, département des Estampes et de la photographie, EST RESERVE VE-26 (I)
© Bibliothèque nationale de France
« Chaque fois que ma pensée se reporte aux souvenirs de cette province du Valois, je me rappelle avec ravissement les chants et les récits qui ont bercé mon enfance. La maison de mon oncle était toute pleine de voix mélodieuses, et celles des servantes qui nous avaient suivis à Paris chantaient tout le jour les ballades joyeuses de leur jeunesse, dont malheureusement je ne puis citer les airs. J'en ai donné ailleurs quelques fragments. Aujourd'hui, je ne puis arriver à les compléter, car tout cela est profondément oublié ; le secret en est demeuré dans la tombe des aïeules. Avant d'écrire, chaque peuple a chanté ; toute peine s'inspire à ces sources naïves, et l'Espagne, l'Allemagne, l'Angleterre, citent chacune avec orgueil leur romancero national. Pourquoi la France n'a-t-elle pas le sien ? On publie aujourd'hui les chansons patoises de Bretagne et d'Aquitaine, mais aucun chant des vieilles provinces où s'est toujours parlée la vraie langue française ne nous sera conservé. Je crains encore que le travail qui se prépare ne soit fait purement au point de vue historique et scientifique. Nous aurons des ballades franques, normandes, des chants de guerre, des lais et des virelais, des guerz bretons, des noëls bourguignons et picards... Mais songera-t-on à recueillir ces chants de la vieille France, dont je cite ici des fragments épars, et qui n'ont jamais été complétés ni réunis ? C'est qu'on n'a jamais voulu admettre dans les livres des vers composés sans souci de la rime, de la prosodie et de la syntaxe ; la langue du berger, du marinier, du charretier qui passe, est bien la nôtre, à quelques élisions près, avec des tournures douteuses, des mots hasardés, des terminaisons et des liaisons de fantaisie ; mais elle porte un cachet d'ignorance qui révolte l'homme du monde bien plus que ne fait le patois. »

Chansons et légendes du Valois, dans Les Filles du feu de Gérard de Nerval.
>Texte intégral dans Gallica.
 
 

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