Goupil et Cie, photographe ; Gustave Moreau (1826-1898), peintre, 1878.
Les
Salomé de Moreau, exposées au Salon de 1876, ont inspiré à Flaubert l'
Hérodias des
Trois contes. Salomé entreprend une danse érotique pour contraindre le tétrarque Hérode à faire exécuter saint Jean-Baptiste, le prophète. Salomé est la fille d'Hérodias, seconde épouse de Hérode.
« Elle [Salomé] se renversait de tous les côtés, pareille à une fleur que la tempête agite. Les brillants de ses oreilles sautaient, l'étoffe de son dos chatoyait ; de ses bras, de ses pieds, de ses vêtements jaillissaient d'invisibles étincelles qui enflammaient les hommes. Une harpe chanta, et la multitude y répondit par des acclamations. Sans fléchir ses genoux en écartant les jambes, elle se courba si bien que son menton frôlait le plancher, - et les nomades habitués à l'abstinence, les soldats de Rome experts en débauches, les avares publicains, les vieux prêtres aigris par les disputes - tous - dilatant leurs narines, palpitaient de convoitise. […] Elle se jeta sur les mains, les talons en l'air, parcourut ainsi l'estrade comme un grand scarabée - et s'arrêta brusquement. Sa nuque et ses vertèbres faisaient un angle droit. Les fourreaux de couleur qui enveloppaient ses jambes lui passant par-dessus l'épaule, comme des arcs-en-ciel accompagnaient sa figure, à une coudée du sol. Ses lèvres étaient peintes, ses sourcils très noirs, ses yeux presque terribles, - et des gouttelettes à son front semblaient une vapeur sur du marbre blanc. Elle ne parlait pas. Ils se regardaient. Un claquement de doigts se fit dans la tribune. Elle y monta, reparut, et en zézayant un peu, prononça ces mots, d'un air enfantin. "Je veux que tu me donnes dans un plat... la tête..." Elle avait oublié le nom, mais reprit en souriant : "La tête de Iaokanann !"
Le Tétrarque s'affaissa sur lui-même, écrasé. »
Gustave Flaubert,
Hérodias, 1877.