Les Fleurs du Mal : 2e page de faux-titre
Épreuves d'imprimerie de l'édition originale corrigées par Baudelaire et portant son bon à tirer
Charles Baudelaire (1821-1867), auteur, 1857.
BnF, Réserve des livres rares, RES P-YE-3006
© Bibliothèque nationale de France
En décembre 1856, au moment où ses relations avec Michel Lévy, l'éditeur de ses traductions de Poe, traversent une mauvaise passe, Baudelaire se tourne subitement vers Auguste Poulet-Malassis, jeune imprimeur d'Alençon, pour lui confier un livre de poésie, constitué en majeure partie depuis au moins cinq ans, mais dont les pièces publiées n'avaient paru qu'en revues.
Poulet-Malassis avait une réputation d'éditeur honnête et, ce qui fut déterminant, de typographe élégant. Il s'agissait de faire un livre ensemble, insistait Baudelaire, "un volume composé seulement de bonnes choses : peu de matière, qui paraisse beaucoup, et qui soit très voyante". L'imprimeur ami fut d'une patience extrême, comme en témoignent ces épreuves corrigées, le seul document qui demeure de la genèse des Fleurs du Mal.
En effet, le manuscrit, copié par un calligraphe, a disparu, ainsi que la quasi-totalité des placards corrigés, probablement trop maculés pour être gardés. En revanche, ces épreuves mises en pages demeurent le seul document permettant de restituer dans sa continuité l’aventure du livre, depuis la suppression de la première dédicace, présentée le 8 mars 1857 à Théophile Gautier, jusqu’aux dernières reprises de vers, après la mi-mai. Elles ont servi de support non seulement de corrections mais aussi de remarques de Baudelaire, et nous éclairent sur ses hésitations orthographiques et le soin qu'il apporta au moindre détail de la présentation, auquel répondent les suppliques de Poulet-Malassis allant parfois jusqu'à l'exaspération.
Mises en vente le 21 juin 1857, Fleurs du Mal s'attirent immédiatement les foudres des censeurs. L'auteur et l'éditeur sont condamnés à une amende et à l'obligation de retrancher six pièces du recueil. Le jugement ne sera cassé qu'en 1949.