Salammbô aux Colombes
George Antoine Rochegrosse (1859-1938), peintre, Vers 1895.
Dreux, musée d’art et d’histoire Marcel-Dessal
© Dreux, musée d’art et d’histoire Marcel-Dessal
George Antoine Rochegrosse s’inspire d’une scène précise du Salammbô de Flaubert pour peindre ce tableau. On y voit Salammbô alanguie, désespérée d’avoir vu le zaïmph, le voile sacré de la déesse Tanit, patronne de Carthage, à qui elle voue un culte.

« Enfin, lasse de ses pensées, elle se levait, et, en traînant ses petites sandales dont la semelle à chaque pas claquait sur ses talons, elle se promenait au hasard dans la grande chambre silencieuse. Les améthystes et les topazes du plafond faisaient çà et là trembler des taches lumineuses, et Salammbô, tout en marchant, tournait un peu la tête pour les voir. Elle allait prendre par le goulot les amphores suspendues ; elle se rafraîchissait la poitrine sous les larges éventails, ou bien elle s'amusait à brûler du cinnamome clans des perles creuses. Au coucher du soleil, Taanach retirait les losanges de feutre noir bouchant les ouvertures de la muraille ; alors ses colombes, frottées de musc comme les colombes de Tanit, tout à coup entraient, et leurs pattes roses glissaient sur les dalles de verre parmi les grains d'orge qu'elle leur jetait à pleines poignées, comme un semeur dans un champ. Mais soudain elle éclatait en sanglots, et elle restait étendue sur le grand lit fait de courroies de bœuf, sans remuer, en répétant un mot toujours le même, les yeux ouverts, pâle comme une morte, insensible, froide ; — et cependant elle entendait le cri des singes dans les touffes des palmiers, avec le grincement continu de la grande roue qui, à travers les étages, amenait un flot d'eau pure dans la vasque de porphyre. »

Gustave Flaubert, Salammbô, chapitre X, 1862.
>Texte intégral dans Gallica : Paris, Charpentier, 1879
 
 

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