Divonne-les-bains, établissement hydrothérapique
Affiche
1889.
Lithographie
BnF, ENT DN-1 (APPEL,F.)-FT6
© Bibliothèque nationale de France
Maupassant a été sujet à de nombreux troubles physiques et psychiques dus à la syphilis, sûrement contractée dès sa période de conscription, mais diagnostiquée seulement en 1877. Il se rend régulièrement en cure thermale : en Suisse, à Aix-les-Bains, à Bagnères-de-Luchon, à Divonne-les-Bains, à Champel-les-Bains… Grâce aux chemins de fer, les stations thermales se sont développées de manière exponentielle au 19esiècle. Les stations rivalisent d’ingéniosité pour attirer la bonne société et faire de ces lieux de soins des lieux de plaisirs, avec des casinos et des théâtres.
Mont-Oriol, un roman de Maupassant publié en 1887, raconte l’histoire d’un entrepreneur, Will Andermatt, dont la femme, Christiane, est en cure en Auvergne. Venu lui rendre visite, il assiste à la découverte d’une source et se lance dans la fondation d’une station thermale. Le roman dévoile les intérêts financiers qui régissent ces lieux de soins et remet en cause les bienfaits tant vantés de l’eau thermale.
Maupassant s’est inspiré de Châtel-Guyon, une station thermale en Auvergne où il s’est rendu plusieurs fois, en 1883, en 1885 et en 1886. Elle est le théâtre d’un conflit entre la Société des Eaux Minérales (S.E.M) et la Grande Compagnie Thermale. Maupassant n’épargne aucun des personnages, l’entrepreneur Andermatt comme les paysans sont présentés comme des roués, avides d’argent.

« Les deux Oriol avaient longtemps causé après que les petites s'étaient couchées. Emus et excités par la proposition d'Andermatt, ils cherchaient les moyens d'allumer davantage son désir, sans compromettre leurs intérêts. En paysans précis, pratiques, ils pesaient avec sagesse toutes les chances, comprenant fort bien que, dans un pays où les sources minérales jaillissent le long de tous les ruisseaux, il ne fallait pas repousser, par une demande exagérée, cet amateur inattendu, impossible à retrouver. Et cependant il ne fallait pas non plus lui laisser entièrement entre les mains cette source qui pouvait donner un jour un flot d'argent liquide, Royat et Châtel-Guyon leur servant d'enseignement.
Ils cherchaient donc par quels procédés ils pourraient enflammer jusqu'à la frénésie l'ardeur du banquier, ils imaginaient des combinaisons de sociétés fictives couvrant ses offres, une suite de ruses maladroites, qu'ils sentaient défectueuses sans parvenir à en inventer de plus habiles. Ils dormirent mal ; puis, au matin, le père, s'étant éveillé le premier, se demanda si la source n'avait pas disparu dans la nuit. C'était admissible, après tout, qu'elle fût partie comme elle était venue, rentrée dans la terre, impossible à reprendre. Il se leva, inquiet, saisi d'une peur d'avare, secoua son fils, lui dit sa crainte ; et le grand Colosse, tirant ses jambes de ses draps gris, s'habilla pour aller voir avec le père.
En tout cas ils feraient la toilette du champ et de la source elle-même, enlèveraient les pierres, la rendraient belle, propre, comme une bête qu'on veut vendre. »
 
 

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