Boule de suif
Les bibliophiles du faubourg et du papier
Guy de Maupassant (1850-1893), auteur ; Georges Scott (1873-1943), illustrateur, Paris, 1947.
BnF, Réserve des livres rares, RES M-Y2-756, p.25
© Bibliothèque nationale de France
Maupassant sort de l’anonymat en 1880 avec la publication de Boule de Suif dans le recueil collectif des Soirées de Médan, considéré comme un manifeste du naturalisme. Flaubert salue la nouvelle comme un « chef-d’œuvre ».
Comme les autres nouvelles du recueil, Maupassant traite de la guerre franco-prussienne de 1870, qui signe la chute du Second Empire.
Dans l’espace clos d’une diligence, Maupassant livre une satire féroce de la bassesse humaine. Neuf personnes, dont une jeune prostituée Boule de Suif, fuient Rouen face à l’avancée des troupes prussiennes. Après avoir partagé ses provisions et accepté, sous la pression des autres voyageurs, de s’offrir à un officier prussien pour permettre à la diligence de continuer sa route, Boule de Suif sera mise au ban. La nouvelle s’ouvre par le portrait rapide de chacun des passagers.

« La femme, une de celles appelées galantes, était célèbre par son embonpoint précoce qui lui avait valu le surnom de Boule de Suif. Petite, ronde de partout, grasse à lard, avec des doigts bouffis, étranglés aux phalanges, pareils à des chapelets de courtes saucisses ; avec une peau luisante et tendue, une gorge énorme qui saillait sous sa robe, elle restait cependant appétissante et courue, tant sa fraîcheur faisait plaisir à voir. Sa figure était une pomme rouge, un bouton de pivoine prêt à fleurir ; et là-dedans s'ouvraient, en haut, deux yeux noirs magnifiques, ombragés de grands cils épais qui mettaient une ombre dedans ; en bas, une bouche charmante, étroite, humide pour le baiser, meublée de quenottes luisantes et microscopiques.
Elle était de plus, disait-on, pleine de qualités inappréciables.
Aussitôt qu'elle fut reconnue, des chuchotements coururent parmi les femmes honnêtes, et les mots de "prostituée", de "honte publique" furent chuchotes si haut qu'elle leva la tête. Alors elle promena sur ses voisins un regard tellement provocant et hardi qu'un grand silence aussitôt régna, et tout le monde baissa les yeux à l'exception de Loiseau, qui la guettait d'un air émoustillé. »
 
 

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