Le conducteur d'omnibus
Croquis parisiens
Joris-Karl Huysmans (1848-1907), auteur ; Jean-François Raffaëlli (1850-1924), illustrateur, Paris , H. Vaton, 1880.
BnF, Réserve des livres rares, RES-8-LI3-751 (B)
© Bibliothèque nationale de France
« — ARRÊTEZ, arrêtez !
— Ding !
— Ouf — et hautement retroussée et la face rouge comme une pivoine, la grosse mère, tenue sous les bras par le conducteur, trébuche dans la voiture et va s’échouer avec un ahan sourd, entre les deux petites barres d’acajou qui limitent sa place.
Le conducteur fouille dans son escarcelle et rend la monnaie à l’énorme dondon qui déborde de la banquette, puis il escalade le toit de l’omnibus où, tassés sur du bois, des corps d’hommes assis s’agitent péniblement derrière le dos d’un cocher dont le fouet claque. Appuyé sur la rampe de l’impériale, il touche ses trois sous et redescend puis s’assied sur un petit banc mobile qui barre l’entrée de la voiture. Plus rien à faire. C’est alors que notre homme regarde négligemment les malheureux qui roulent cahotés dans un bruit de ferrailles, de vitres secouées, de pétarades de chevaux et de coups de timbre. Il écoute le ronchonnement d’un gosse assis sur les genoux de sa mère et dont les jambes battent en mesure les rotules voisines ; puis, fatigué de voir ces deux rangs de passagers qui se saluent à chaque secousse, il se détourne et contemple vaguement la rue. À quoi peut-il songer alors que la carriole court de guingois toujours dans les mêmes ruisseaux, toujours dans les mêmes routes ? »
 
 

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