« Gloire et louange à toi, Satan, dans les hauteurs / Du ciel où tu régnas, et dans les profondeurs / De l’enfer, où vaincu, tu rêves en silence ! »
Septième et dernière planche de la suite d’interprétations des Les Fleurs du Mal par Odilon Redon, pour « Les Litanies de Satan ». Bruxelles, E. Deman, 1890
Dessin reproduit par le procédé Evely, 44,7 × 31,7 cm (feuille)
BnF, département des Estampes et de la Photographie, RESERVE DC- 354 (11) -BOITE FOL
© Bibliothèque nationale de France
C’est certainement dans les relations avec sa mère que Baudelaire a éprouvé le plus vivement son sentiment d’exil, effet d’un désir d’amour fusionnel constamment traversé par le regret d’une mutuelle incompréhension. L’exil prend alors la forme d’une révolte contre le « monde honorable » que sa mère représente et dont il se sent « séparé à tout jamais » : c’est à la fois la révolte passagère contre l’ordre bourgeois de la France de Louis-Philippe, dans l’éphémère engagement politique aux côtés des révolutionnaires de 1848, et la révolte plus radicale contre « un monde où l’action n’est pas la sœur du rêve », qui culmine dans la célébration poétique de Satan, l’ange rebelle et déchu, le « Prince de l’exil ». L’ange déchu est ici assis, ses grandes ailes noires ouvertes derrière lui. Il regarde au loin et paraît méditer.
Cette suite constitue la première série d’illustrations pour l’œuvre de Baudelaire. Il semble que Redon ait suggéré l’idée d’un album des Les Fleurs du Mal à Deman en lui vendant un ensemble de 9 dessins. Deman publia d’abord ces planches en 1890 au format in-folio, puis les réduisit afin qu’elles puissent être insérées dans l’édition définitive des Les Fleurs du Mal publiée chez Michel Levy (1868). Cette série de dessins fut exposée pour la première fois en février 1890, et ils furent ensuite reproduits grandeur nature pour l’édition par le procédé d’Evely. Léon Evely était un imprimeur de renom en Belgique à la fin du XIXe siècle, connu pour ses expériences avec des variations raffinées d’encrage, des papiers exotiques et anciens et, évidemment, des procédés graphiques nouveaux. Il travaillait régulièrement au perfectionnement des techniques d’héliogravure, la planche étant d’abord gravée photomécaniquement et retouchée ensuite à la pointe sèche, à l’aquatinte ou à la roulette. (D’après la notice du catalogue de la librairie Jean-Claude Vrain, automne 2017, n° 30, p. 31-33)