La Religieuse
Frontispice du tome premier
Denis Diderot (1713-1784), auteur, Paris, Gueffier, an V, 1796.
BnF, département Littérature et Art, Y2-27655
© Bibliothèque nationale de France
Le premier roman de Diderot est né d'une mystification, faire revenir de sa province un homme des Lumières, le marquis de Croismare, pour voler au secours d'une jeune religieuse enfermée au couvent sans vocation. Diderot prend la plume et ne la quitte pas lorsque la plaisanterie tourne court en 1760.
« Je vais à tire-d'aile, ce n'est plus une lettre, c'est un livre. Il y aura là-dedans des choses vraies, de pathétiques, et il ne tiendrait qu'à moi qu'il y en eût de fortes, mais je ne m'en donne pas le temps. Je laisse aller ma tête. »
Écrire tout de go les mémoires de sœur Suzanne Simonin, et en faire un des romans les plus marquants du XVIIIe siècle, seul le philosophe au cœur tendre, tout vibrant encore de la lecture de Richardson, le pouvait.
« Je ne crois pas qu'on ait jamais écrit une satire plus effrayante des couvents », confiait-il vingt ans plus tard à Meister en proposant le roman qu'il venait de reprendre à l'intention des abonnés de la Correspondance littéraire. Mais sœur Suzanne a la foi, elle trouve là réconfort aux embûches de la vie recluse entre femmes, décrite sobrement, en des tableaux puissants, clair-obscur admirablement rendu par l'auteur des Salons, qui aurait souhaité pour épigraphe « Son pittor anch'io ».
Publié en 1796, chez Buisson, comme Jacques le Fataliste, La Religieuse a été connue longtemps par les sept copies de la Correspondance littéraire et celle du copiste Girbal de la collection de Catherine II. L'entrée du fonds Vandeul à la Bibliothèque nationale en 1951 a révélé l'existence du seul manuscrit autographe corrigé de Diderot, témoin du travail en deux périodes, sur lequel Meister a porté ses propres corrections d'éditeur et celles que Diderot avait rajoutées sur une autre copie de Girbal, état intermédiaire entre l'état original et la révision du manuscrit autographe.