Le rat de ville et le rat des champs
Livre premier, fable IX
Jean de La Fontaine (1621-1695), auteur ; Gustave Doré (1832-1883), dessinateur ; Adolphe François Pannemaker (1822-1900), graveur sur bois, Paris, Ed. Louis Hachette, 1867.
Fumé d'une gravure sur bois, 24 x 19 cm
BnF, département des Estampes et de la Photographie, DC-298 (I)-FOL, Tome 1, p. 24
© Bibliothèque nationale de France
« Autrefois le rat de ville
Invita le rat des champs,
D’une façon fort civile,
À des reliefs d’ortolans.
Sur un tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.
Le régal fut fort honnête,
Rien ne manquait au festin ;
Mais quelqu’un troubla la fête
Pendant qu’ils étaient en train.
À la porte de la salle
Ils entendirent du bruit :
Le rat de ville détale ;
Son camarade le suit.
Le bruit cesse, on se retire :
Rats en campagne aussitôt ;
Et le citadin de dire :
"Achevons tout notre rôt.
C’est assez, dit le rustique ;
Demain vous viendrez chez moi :
Ce n’est pas que je me pique
De tous vos festins de roi ;
Mais rien ne vient m’interrompre :
Je mange tout à loisir.
Adieu donc ; fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre." »