La découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb en 1492
Dans Grands voyages, America pars quarta. Figure IX
Théodore de Bry (1528-1598), auteur, 1594.
Gravure en taille douce
BnF, département des Cartes et plans, GE FF 8185 RES
© Bibliothèque nationale de France
La découverte de l'Amérique est celle de nouvelles terres, mais aussi celle de "nouveaux" peuples à travers lesquels va se construire l'image d'un autre, figure étrange que l'on s'emploie, soit à réduire en esclavage, soit à idéaliser dans le mythe du "bon sauvage".
Un siècle après l'événement, Théodore de Bry illustre cette rencontre entre Européens et Amérindiens pour une collection consacrée aux Grands Voyages. Sa planche n'est pas un document soucieux de vérité historique, mais une création artistique qui traduit l'imaginaire européen de l'époque quant à la découverture du Nouveau Monde. Publiée en 1592, la planche est à replacer dans le contexte des guerres de religion : gravée par un protestant en exil, l'image semble dénoncer la "catholisation forcée" des populations indigènes (représentées nues, vulnérables), par les colons espagnols (figurés armés, dominateurs) alors que ceux-ci sont accueillis avec bienveillance par des cadeaux de valeur. La croix chrétienne, dressée par les Espagnols à gauche de l'image, et la lance, tenue fermement par Colomb, annoncent l'appropriation d'un territoire et sa conversion.

Deux moments distincts de la découverte du Nouveau Monde sont représentés sur l'image. À l'arrière plan figurent les trois vaisseaux de la flotte de Christophe Colomb : deux caravelles, la Pinta et la Niña, et son navire amiral, la Santa Maria. L'équipage ploie les voiles tandis qu'une chaloupe se remplit, et qu'une autre conduit les Espagnols au rivage. Colomb rapporte dans son Journal de bord que l'île est peuplée d'Indiens Taïnos, alors en guerre avec la tribu des Caraïbes, qui enlèvent les femmes et dévorent les prisonniers. On voit ces indigènes, représentés comme des individus "naturels", courant nus à droite de l'image. Ils paraissent apeurés par l'arrivée des Espagnols, si différents d'eux dans leurs armures brillantes.
La rencontre proprement dite à lieu au premier plan : Christophe Colomb en impose, habillé comme un prince et tenant fermement une hallebarde en signe de puissance et d'autorité. Face à lui, les "sauvages", tous semblablement nus, pagne à la taille, présentent à Colomb : bijoux, coffres, statues et autres vases, symboles de leur richesse, c'est-à-dire des gisements aurifères que les Espagnols vont exploiter.

Ainsi paraissent les indigènes à Colomb et, à travers lui, aux Européens : des peuples sauvages, lâches, voire bêtes, mais généreux, car offrant l'or qu'ils ne manquent pas d'adorer selon la projection fantasmée d'Européens avides de richesses. Le décor est planté pour les siècles à venir : on ne se trouve pas là dans une volonté de connaître et de comprendre mais de convertir et d'exploiter.
 
 

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