La Cité des dames
Le Livre de la Cité des dames
Christine de Pisan (1363-1431), Paris, 1405.
BnF, département des Manuscrits, Français 1178 f. 3
© Bibliothèque nationale de France
Célèbre, Christine de Pisan (ou Pizan) l'est avant tout parce qu'elle fut la première femme à vivre de sa plume en Occident. Christine fut en quelque sorte l'éditeur de ses œuvres, travaillant en liaison étroite avec un enlumineur parisien de renom auquel on a précisément donné le nom de "maître de la Cité des dames" car quatre exemplaires de ce texte sortis simultanément de son atelier nous sont parvenus, dont deux offerts aux ducs de Berry et de Bourgogne. La double image qui introduit ici le manuscrit s'avère une traduction quasi littérale des débuts de l'ouvrage. Désolée à la lecture de tant de médisances tenues à propos des femmes par "les hommes clercs et autres", Christine voit lui apparaître "trois dames couronnées de très haute dignité" : Dame Raison, munie d'un miroir où chacun peut se voir "en son âme et conscience" ; Droiture, pourvue de "la droite règle départageant le bien du mal et le juste de l'injuste" ; enfin Justice, qui tient à la main droite "une coupe d'or fin qui ressemble à une mesure de bonne taille", destinée à "rendre à chacun son dû". Elles invitent l'auteur à édifier "une citadelle hautement fortifiée", afin que désormais les femmes méritantes puissent avoir une "place forte où se retirer et se défendre". Avec l'aide de Raison qui lui fournit "un mortier résistant et incorruptible", Christine entreprend de jeter les fondations de sa ville métaphorique faite de "grands murs hauts et épais, avec leurs hautes tours larges et grandes". L'invention du monde passe ici par la parole et la main des femmes.