Dissertation sur la nature et la propagation du feu
Gabrielle-Émilie Le Tonnelier de Breteuil Du Châtelet (1706-1749 ; marquise), auteur, Paris, Prault fils, 1744.
Monographie imprimée
BnF, Réserve des livres rares, Z Bengesco- 853 (1)
© Bibliothèque nationale de France
Mme Du Châtelet concourt en cachette pour le prix de l'Académie des sciences et rédige, la nuit, une dissertation de 139 pages qui tente de faire une synthèse de toutes les connaissances sur le sujet. Sans apporter de faits expérimentaux nouveaux, elle y fait preuve d’une vraie érudition. Ses idées sont parfois curieuses et elle a conscience de leur étrangeté (lettre à Maupertuis de décembre 1738). Le feu n’a pas de poids et a pour fonction d’assurer au monde sa légèreté et son mouvement.
Comme l’affirme Robert Mauzi dans son introduction au Discours sur le bonheur de Mme Du Châtelet (1997), « le feu lui permet de « rêver » la vie des choses, et d’animer la matière, que la seule gravitation tendait à alourdir. Il est clair qu’il n’y a rien ici de « scientifique » et qu’Émilie ne fait que formuler en termes abstraits l’image du feu, symbole trop immédiat du mouvement et de la vie. […] Après avoir ainsi fait du feu, selon une très vieille symbolique, l’âme du monde, l’imagination de Mme Du Châtelet semble refluer vers le rêve opposé : le rêve du repos et de la substance. Le feu sera logé à l’intérieur de chaque chose, il en deviendra le centre mystérieux et secret, puissance implicite et virtualité heureuse. »
Le prix de l’Académie est décerné à Leonhard Euler. Mais les mémoires de Voltaire et de Mme Du Châtelet seront publiés. C’est la première fois que l’Académie publie le texte d’une femme, et ce privilège donne à la jeune femme une place inédite au sein de la communauté scientifique française.