Werther, drame lyrique
Manuscrit autographe
Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832), auteur ; Jules Massenet (1842-1912), compositeur, 1887.
Manuscrit autographe
BnF, Bibliothèque-musée de l'Opéra, RES-542 (1-3)
© Bibliothèque nationale de France
Werther est peut-être le chef-d’œuvre de Massenet, à coup sûr son opéra le plus intérieur, le plus émouvant. Selon le témoignage de Reynaldo Hahn, Massenet ne « sentait pas » le sujet. Ce petit monde provincial de Wetzlar, tel que Goethe le décrit, est a priori bien éloigné des exotismes enchanteurs et spectaculaires qui jusque-là avaient fait son succès. La gestation de l'œuvre fut longue : l'idée semble due à Paul Milliet, le librettiste d'Hérodiade, et les premières esquisses datent de 1880. Massenet s'y consacre pleinement entre 1885 et 1887. Finalement, la musique évoque à merveille la naïveté et la simplicité de ce monde-là : les enfants qui répètent leur cantique de Noël, les amis de la maison, bons garçons abusant de la bière. C'est dans ce quotidien et dans cet ordonnancement sans faille de l'existence (Charlotte promise à Albert) que surgit la passion la plus dévorante, la plus destructrice. Massenet lui donne des accents déchirants, depuis l'air d'entrée de Werther (Ô nature) jusqu'à Lorsque l'enfant revient et à la mort de Werther, longue agonie qui constitue tout le quatrième acte. Sans doute l'une des plus belles expressions sur une scène lyrique de ce qu'est la mélancolie. Le personnage de Charlotte est tout aussi inspiré : sensible dès les épanchements du merveilleux Clair de lune au premier acte, le personnage brise peu à peu sa carapace et trouve sa splendeur lyrique – l'air des lettres, l'air des larmes, la prière – et sa grandeur tragique, faite de passion et de renoncement.
La création même de l'œuvre fut difficile : Léon Carvalho n'en voulut pas pour l'Opéra-Comique, trouvant le sujet ennuyeux. Massenet alla donc le créer à Vienne, dans une traduction allemande, avec Ernest Van Dyck et Marie Renard. C'est La Monnaie qui en fit la création en français, puis quelques semaines plus tard l'Opéra-Comique, avec Guillaume Ibos et Marie Delna. Comme on pouvait s'y attendre, Paris mit un peu de temps à aimer ce Massenet-là, apparemment si bourgeois. Ce fut chose faite à partir de 1903, au Châtelet, avec Léon Beyle et Marié de l'Isle. Ninon Vallin en fit la millième Salle Favart. Werther a ensuite attendu 1984 pour être donné à Carnier puis 2009 à Bastille.